Yolande Moreau présentera demain au Festival International du Film Francophone de Namur son troisième film comme réalisatrice, La Fiancée du Poète, une histoire d’amour et d’amitié teintée de nostalgie.
10 ans après Henri, 20 ans après Quand la mer monte, Yolande Moreau est de retour avec La fiancée du poète, réflexion mélancolique sur l’amour de l’art et l’art de l’amour.
La Fiancée du poète, c’est Mireille. Cette femme mystérieuse un peu perdue, un peu paumée, rentre au village et s’installe dans sa maison d’enfance, au bord de l’eau, où les murs s’effritent et les souvenirs remontent. Mireille y soigne un chagrin d’amour vieux de quarante ans. « Je lui avais donné mon âme, il en a fait un champ de ruines ».
D’abord, Mireille est seule. Elle vit de son petit boulot à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville, trafique un peu, revend des cigarettes et chipe du papier toilettes. Ses retrouvailles avec sa soeur sont mouvementées, ses choix de vie sont questionnés. Le sort de la maison familiale est en jeu. Les temps sont durs, et la maison coûte cher à entretenir. Alors Mireille a une idée, elle va prendre des colocataires, trois hommes, trois autres solitudes qui viennent alléger la sienne.
Avec son cowboy, son jardinier et son peintre, Mireille se recrée comme une famille, un du moins une interprétation légèrement subversive de la famille, où les costumes s’assument avant que les masques tombent. Chacun ses secrets, chacun ses blessures, cette petite troupe de faussaires se tient chaud à l’âme.
Ces trois amoureuses amitiés vont ouvrir la voie à un retour inattendu, celui du premier amour de Mireille, qui a laissé son coeur en miettes, et l’a fait passer par la case prison.
Cette famille de coeur est aussi une famille de cinéma. On sent le plaisir qu’a eu Yolande Moreau a se recréer une bande le temps d’un film. Son petit harem au masculin rassemble Grégory Gadebois, Esteban, Sergi Lopez et Thomas Guy, autant de personnalités singulières qui se fondent avec naturel dans l’univers de la cinéaste belge, qui retrouve également François Morel, son vieux complice des Deschiens, le temps d’une délicate scène intimiste bercée par les rêves éveillés de la Wallace Collection.
Yolande Moreau retrouve ici le ton poétique aux limites du burlesque, marque de fabrique de ses premiers films. Un petit quelque chose d’artisanal, comme le tourne-disque retrouvé par Mireille dans la maison familiale, qui tourne un peu au ralenti. Une poésie qui s’octroie le droit de prendre le temps, voire d’appartenir à un autre temps, et qui prône le recours au mensonge pour rêver et se consoler de nos impitoyables vérités. Un récit qui s’autorise les exercices de style (film muet, ode chantée, et même une parade nuptiale), et multiplie les figures d’artistes, sincères ou faussaires, et chante les louanges du pouvoir des notes, des mots, et des couleurs, pour s’achever sur un chant d’amour mélancolique.