Leonardo van Dijl présentait ce samedi en première mondiale à la Semaine de la Critique de Cannes son premier long métrage, Julie zwijgt, le très réussi portrait d’une jeune joueuse de tennis qui fait face à un choix douloureux: parler ou ne pas parler.
Il est le Belge de l’année au Festival de Cannes. Leonardo van Dijl défend en Compétition à la Semaine de la Critique son premier long métrage, Julie zwijgt. Ce n’est pas la première fois que le Festival met en lumière son travail, puisqu’en 2020, année Covid, son court métrage Stéphanie, portrait déjà d’une jeune sportive, une gymnaste en l’occurence, faisait partie de la Sélection officielle mise sur pied malgré l’absence de festival en présentiel.
Il revient avec Julie zwijgt, portrait intime et délicat d’une jeune sportive acculée par la complexité des enjeux de domination que l’on peut trouver dans le sport de haut niveau, et qui fait de prime abord le choix du silence. Il faut un temps pour tout… Pour les autres, le silence de Julie cache forcément un secret. Pour Julie, ce silence est une armure de protection autant qu’un moment de réflexion.
Julie est la joueuse vedette d’une académie de tennis huppée. Quand son entraîneur est suspendu puis très vite démis de ses fonctions suite au suicide d’une jeune joueuse, tout le club est appelé à témoigner, pour essayer de comprendre. Mais Julie décide de se taire… Alors on s’interroge sur son silence. Malgré elle, on écrit son histoire, on l’imagine, la fantasme, la redoute. Son mutisme laisse place à toutes les interprétations alors qu’elle s’en sert pour préserver les forces qu’elle souhaite consacrer à son jeu, et seulement son jeu. Son énergie, elle la réserve à ses seules ambitions, tant que l’orage gronde, que les conditions ne sont pas réunies pour accueillir une possible parole. Le tumulte assourdissant des rumeurs qui bruissent semble la laisser indifférente, concentrée sur une blessure enfin cicatrisée, un corps qu’elle parvient à dompter.
Le film débute sur un plan fixe, Julie à l’entraînement entre et sort du champ, avec en fond sonore la raquette qui tape la balle, et les bruits blancs du gymnase, sous ses lumières artificielles qui lui confèrent une aura crépusculaire. Toute la première partie, en écho au silence de Julie, se passe dans une sorte de clair-obscur, des zones de gris créées par les rideaux tirés, les aubes et les débuts de soirées qui rythment son quotidien. La lumière (signée par le chef opérateur Nicolas Karakatsanis, qui a travaillé notamment sur I, Tonya, Hellhole de Bas Devos ou Bullhead de Michael Roskam, ou récemment Skunk de Koen Mortier) comme le silence est feutrée. Mais à la présence fantôme de l’ancien entraîneur répond peu à peu celle plus solaire du nouvel entraineur, qui se positionnant à la juste distance, permet à Julie de déployer les moyens de trouver son jeu, et sa vérité. Le film pivote autour d’une scène aussi centrale que glaçante, alors que Julie revoit son entraîneur, dans le contre-jour d’un café, instant crucial où son silence gagne une densité troublante.
Julie zwijgt traite avec justesse et une vraie intelligence cinématographique de la question de l’abus, de la domination, et de l’emprise, autant de thématiques ultra-contemporaines. Il entre à ce titre dans une conversation sociétale passionnante, mais vaut aussi pour lui-même, pour son habileté scénaristique, la qualité de sa direction artistique, et last but not least, l’impressionnante prestation de Tessa Van den Broeck, jeune joueuse de tennis dont c’est le premier rôle, et qui nous invite avec mystère et opiniâtreté à entendre et respecter le silence de Julie, pour mieux l’exorciser. A ses côtés, on retiendra les prestations notamment dans le rôle de ses parents, attentifs et luttant pour rester à la juste distance Koen de Bouw, et Ruth Becquart, qui a co-écrit le délicat scénario avec Leonardo van Dijl. Mention spéciale aussi, dans le rôle de la directrice du club, pour Claire Bodson (vue récemment aussi bien chez les frères Dardenne que chez les frères Guit), toujours excellente, ainsi que pour Pierre Gervais, dans le rôle du nouvel entraineur.
Le film sortira en octobre prochain en Belgique.