Les grands écrans Cinevox se suivent… et ne se ressemblent pas forcément. Après avoir scanné la brûlante actualité cannoise avec deux de nos stars, Matthias Schoenaerts et la future lauréate Émilie Dequenne, Cinevox repart à la découverte de longs métrages qui ne nous arriveront que dans de longs mois. Objectif : la mise en évidence de nouveaux talents qui risquent fort de remuer les tripes du public qui les découvrira dans les salles.
Comme l’actualité des tournages est plutôt intense ces derniers mois, nous continuons à aligner non pas un film, mais deux, côte à côte, pour tenter de vous présenter un maximum de projets palpitants. Le cinéma d’ici n’a jamais été aussi excitant.
Alors qu’on a beaucoup reproché à la sélection officielle cannoise de ne pas avoir retenu un seul film réalisé par une dame, notre Grand Écran n°12 en convie deux à la fête. Deux Delphine, qui plus est, ce qui est curieux d’autant que ces deux jeunes artistes abordent ici leur premier long métrage. Avec un culot assez sidérant.
Delphine Noels a coécrit son scénario avec l’aide de son copain David Lambert. Le duo partage le même producteur (Jean-Yves Roubin, Frakas) et une égale fascination pour les rapports humains tendus et complexes. Post-Partum, c’est l’histoire de Luce. Elle et son mari sont vétérinaires. Luce attend son premier enfant, mais reste très active. Dès qu’elle accouche, c’est le vertige; elle perd pied. Chaque jour, la dépression qui la gagne devient plus effrayante, plus incontrôlable.
En totale adéquation avec le sujet, la réalisation de Delphine et la photo d’un Benoit Dervaux très inspiré plongent le spectateur au cœur du malaise de Luce. Le film que nous avons récemment découvert en fin de montage surprend par son audace, son jusqu’au-boutisme même. Autre sujet d’étonnement: l’explosif mélange des sensations organiques avec une ambiance onirique de plus en plus sombre à mesure qu’on progresse dans le récit. Ultime atout? Mélanie Doutey ! Véritablement possédée par son personnage, elle va secouer ceux qui ne voyaient en elle qu’une actrice à l’aise dans le divertissement populaire (ce qu’elle est aussi).
Bref, il est peu probable que Post Partum passe inaperçu. Son impact dramatique et la puissance de l’interprétation, la révélation d’une réalisatrice sans concessions et les tabous qu’il renverse feront de ce choc( qu’on déconseillera aux femmes enceintes trop sensibles) un des temps forts de 2013.
Puppy Love de Delphine Lehericey est assez différent sur le fond, mais proche par son audace. Gonflé, moderne et débridé, son scénario s’inscrit totalement dans l’air du temps, parfois borderline et très cru. Il traite de l’éveil à la sensualité (au sexe et au désir) de Julia, une jeune fille happée dans un tourbillon d’attirances après l’arrivée dans son quartier de Diane, une Anglaise délurée.
Julia vit avec Christian (Vincent Perez), son père veuf, éternel ado inconséquent, qui ne lui cache pas grand-chose de sa vie. Elle est donc la femme de la maison, presque une adulte, plutôt réservée, qui doit aussi s’occuper de son frère cadet, Marc en perpétuelle révolte. Mais quand la pression devient trop intense, les carcans sautent les uns après les autres.
Puppy Love s’inscrit dans une veine décomplexée, bercée par une musique estampillée nineties et signée par le groupe Sold Out. Rien à voir avec les jeunots bien sages et propres sur eux de La Boum. Au diable, le romantisme gnangnan, forcément suranné. On pense ici davantage à Simon Werner a disparu ou au formidable Dusk.
Outre Vincent Perez, la réalisatrice a dirigé Solène Rigot et Audrey Bastien, deux espoirs du cinéma français. On a découvert la première dans 17 filles et dans La permission de minuit et la seconde dans Simon Werner a disparu. Pas de hasard. D’autant que les deux s’étaient déjà croisées dans Xanadu, série française plutôt chaude, réalisée par le remuant Québécois Podz.
C’est avec son premier moyen métrage, Comme à Ostende (avec Jan Hammenecker), que Delphine rencontre son producteur Sébastien Delloye (Entre Chien et Loup). Le film connaîtra un beau succès d’estime et sera sélectionné à Locarno. Peu conventionnelle, la réalisatrice enchaîne alors avec un pétaradant documentaire sur le monde de l’arbitrage dans le football. Présenté dans une vingtaine de festivals (dont Locarno, encore), Kill the referee est distribué dans dix pays. En France, c’est la Gaumont qui se charge de l’amener dans les cinémas.
Autant dire que ce premier long métrage de fiction est aujourd’hui très attendu par la profession. Et comme il plaira à un public plutôt jeune, la réalisatrice devrait faire une entrée fort remarquée dans le sérail des cinéastes belges qui comptent.
Ne vous fiez pas à leur air angélique, ces deux Delphine-là vont vous remuer les tripes !