Abel & Gordon, à la belle étoile

Abel et Gordon reviennent avec L’Etoile filante, une fantaisie dansante, film noir tout en couleurs.

Fiona Gordon et Dominique Abel sont de retour demain soir au Festival de Namur avec leur cinéma unique et poétique, qu’ils emmènent faire un tour du côté du film noir, retrouvant leurs outils d’explorateur du cinéma burlesque tout en laissant surgir au loin l’écho de la colère du monde.

On les avait quittés au pied de la Tour Eiffel en 2016 avec Paris Pieds nus, où il faisaient swinguer Pierre Richard et Emmanuelle Riva, on les retrouve 7 ans plus tard dans les rues pavées de Bruxelles, qui donnent aux premières minutes du film un air de polar recyclé.

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Photo: Laurent Thurin

Boris, barman mélancolique, est hanté par ses exactions passées. Il vit avec Kayoko, qui semble bien heureusement apte à assurer leur destin aussi bien que leur quotidien. Mais quand débarque une victime d’un attentat qui a mal tourné, et qui compte bien prendre sa revanche sur le passé, Boris est au pied du mur. L’apparition inopinée d’un sosie tout aussi déprimé tombe au poil. Dom va devenir Boris, et Boris va devenir Dom. Sauf qu’en coulisse, Fiona, l’ex-femme de Dom, détective privée à l’ancienne dotée d’une machine à écrire, d’un imperméable mastic, et d’un alcoolisme notoire, remonte peu à peu le fil de sa disparition jusqu’à L’étoile filante, bar interlope où sévit un tueur empêché par un bras récalcitrant.

On retrouve dans L’étoile filante les éléments qui ont fait le succès du duo incroyablement créatif formé par Abel & Gordon: une esthétique « maison » nourrie de leur goût de l’artisanat (ils sont aussi bien auteurs que réalisateurs, producteurs et interprètes de leurs projets), une symphonie de couleurs primaires, des scènes composées comme des tableaux, des corps qui en disent plus que les mots, des danses qui soudain possèdent les personnages, des trouvailles visuelles irrésistibles (eux seuls peuvent sublimer du papier toilette de la sorte). Un univers singulier, qui demande du spectateur d’accepter d’emblée la convention burlesque, pour se laisser porter par le flot.

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Photo: Laurent Thurin

Sauf que cette fois, l’univers du duo semble contaminé par de nouveaux éléments, qui vont du gris clair au gris foncé, voire très foncé: la sublime musique hautement mélancolique du duo tout en cordes Birds on a Wire, des rêves agités, des dépressions pas si larvées, un tueur fou, un attentat, un deuil parental même, et au loin, la contestation sociale. Un numéro d’équilibriste, porté par la troupe du duo, qui retrouve ici Bruno Romy et Philippe Martz, et « découvre » la danseuse et chorégraphe Kaori Ito, dont le personnage de petite gymnaste japonaise aux pieds expressifs vêtue de rouge amène une surprenante énergie à l’ensemble.

Le film sortira en Belgique le 20 décembre prochain!

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