Ces jours-ci, lorsque deux cinéphiles belges se rencontrent, la conversation se termine inévitablement par un débat autour des Magritte. Puisque plus personne (ou presque) ne conteste leur utilité médiatique, la discussion s’oriente systématiquement vers les futurs lauréats. Quel film, quel réalisateur, quelle actrice vont émerger? Jouettes comme nous sommes, nous ne résisterons au plaisir de nous livrer à un pronostic maison (la liste de tous les nominés est au bas de l’article).
Attention ! Ce petit exercice n’est pas destiné à afficher les goûts de la rédaction. Ça n’aurait pas le moindre intérêt. Certains font ça à longueur d’année, c’est leur créneau, pas le nôtre. Le seul but de cet article est donc de tenter d’anticiper le résultat des votes des quelque 600 membres de l’Académie Delvaux qui se sont exprimés. Sans risquer de les influencer : ils sont actés depuis dimanche.
De toutes façons, les Magritte et toute autre manifestation du même genre, sont plus intéressants pour le battage médiatique qu’ils provoquent autour d’un cinéma que pour leurs résultats eux-mêmes, forcément partiaux et ressentis comme injustes par tous les perdants et leurs fans. Mais bon…
Allez, on se lance… et on en reparle lundi?
Dans la catégorie « meilleur film », le titre devrait opposer Les Géants et Le Gamin au Vélo. Le Gamin a été (beaucoup) plus vu et jouit à l’étranger d’une notoriété très importante. Mais tout le monde aime Bouli. La Fée et plus encore Beyond the Steppes sont des gros outsiders et sur leurs seules qualités, ils peuvent faire jeu égal avec les deux autres. Mais vu le contexte au moment du vote, les nominations aux Lumières et aux golden globes, le prix récolté aux European Awards, notre prono ira au Le gamin au Vélo. Un titre qui pourrait se doubler de celui de la « meilleure réalisation » pour les frères Dardenne.
Malgré les immenses qualités de Hasta La Vista, il est (presque) impossible que le Magritte de la « meilleure coproduction flamande » échappe à Rundskop. Le film est un phénomène incroyable, le symbole de toute une région qui touche la planète. Du jamais vu. Pour le Magritte de la « meilleure coproduction internationale », on est plus circonspect. Petit avantage Aux Émotifs anonymes (pour le grand Ben) ? Avec Potiche en embuscade ?
Le prix du « meilleur scénario » sera presque plus intéressant que celui de la meilleure réalisation. C’est en effet la seule catégorie « majeure » qui opposera directement Le Gamin au Vélo, Les Géants et Rundskop. Un combat de titan puisque les scénaristes sont aussi les réalisateurs. Pour ses qualités intrinsèques, son originalité et… une raison purement mathématique, nous pencherons pour Rundskop. Les Géants et Le Gamin risquent de se partager les votes francophones et de laisser un boulevard au drame de Michael Roskam qui, lui, va piocher dans les trois communautés.
On voit mal comment Rundskop ne ferait pas coup double dans la catégorie « meilleur acteur ». Le petit sondage lancé sur notre page Facebook nous conforte d’ailleurs dans cette impression : Matthias Schoenaerts est la star belge de l’année et il devrait survoler les débats.
Chez les dames, par contre on n’a pas la moindre idée de l’identité de celle qui sera élue actrice de l’année. Lubna Azabal a hérité du rôle le plus marquant dans Incendies, Cécile de France surprend dans Le gamin au Vélo, Yolande Moreau est une bête de concours et Isabelle de Hertogh, la révélation féminine de l’année. Comme elle est francophone, hyper sympathique et surtout bouleversante dans un formidable film flamand que tout le monde aime, elle pourrait bien tirer les marrons du feu. On prend ce risque…
Pour les seconds rôles, on pointera Virginie Efira excellente dans Kill me Please, qui devrait permettre à Bouli Lanners d’émerger chez les messieurs. Ce serait une belle revanche pour ce film un peu sous-estimé.
Pour les « révélations masculines », il ne devrait pas y avoir un énorme suspense : Thomas Doret signe une performance éblouissante dans un des films majeurs de l’année. Il est parfait et nous sommes déjà étonnés de ne pas le voir nommé dans la catégorie « meilleur acteur » (tout court) : il devrait empocher le Magritte. David Murgia est un acteur qui monte à toute vitesse, sur les planches surtout, mais son rôle (très fort) dans Rundskop est assez réduit. Les deux autres ont le désavantage d’apparaître dans des trios. Seuls, leur poids est moins important.
Pour les « espoirs féminins », Erika Sainte omniprésente dans Elle ne pleure pas elle chante, qu’on a aussi vu dans des courts, sur les planches et dans un clip secouant contre la violence conjugale se pose en grande favorite. D’une courte tête devant Stéphanie Crayencour, plus médiatique? Mais il ne faudrait pas négliger les chances de Jeanne Dandoy qui est dans le blokbuster de l’année et confirme actuellement son talent sur les planches du National ,dans Exils.
Dans la plupart des manifestations à travers le monde, les récompenses techniques sont mal mises en valeur. C’est dommage, car les artistes cités dans ces six catégories sont à la base de la réussite des films qu’ils représentent.
Pour la meilleure image et le meilleur son, les statuettes devraient filer chez Les Géants : depuis Eldorado, le travail de Jean-Paul De Zaeytijd impressionne, et il est ici simplement éblouissant. Mais encore plus que la photo, c’est le son des Géants qui nous a épastrouillé: le travail d’orfèvres de Benoît De Clerck, Yves De Mey, Quentin Collette, Christine Verschorren et Benoît Biral devrait être récompensé.
Nommée pour le meilleur décor Véronique Sacrez pourrait bien rapporter à Quartier Lointain son unique récompense. Idem pour Claire Dubien nommée ici pour La Fée qui bénéficie des costumes les plus frappants et excentriques. Pour le meilleur montage, Alain Dessauvage est le grand favori: si Rundskop épate, c’est aussi par son rythme, ses ruptures et la fluidité de sa narration malgré d’incessants changements d’époques et de points de vue.
Reste le Magritte de la meilleure musique qui devrait nous valoir un impressionnant duel flamand: le folk de Bram Van Parijs pour les Géants Vs la partition classique, mais atmosphérique de Raf Keunen pour Rundskop. La popularité de The Bony King of Nowhere devrait permettre aux Géants d’emporter une statuette supplémentaire. De peu…
Reste les deux catégories à part: Dimanches de Valery Rosier qui a presque tout gagné cette année est le favori naturel de catégorie court métrage. Le titre de « meilleur documentaire » devrait se jouer entre Fritkot et LoveMeatender. Le dernier a fait beaucoup parler de lui et mis en parallèle avec Rundskop, sa victoire serait assez amusante. Quoiqu’un bon steak frites, ça le fait aussi. On doit se prononcer? Va pour Love Meatender alors. D’une corne.
Une fois le décompte effectué, on constate que ce pronostic conduit à un palmarès beaucoup plus équilibré que l’an dernier avec 4 titres pour Rundskop, 3 (majeurs) pour Le Gamin au Vélo, 3 (techniques) pour Les Géants, 2 pour Kill me please et un pour La Fée, Quartier Lointain, Hasta La Vista , Elle ne pleure pas elle chante, Les Émotifs anonymes, LoveMeatender et Dimanches. L’air de rien, ce serait une jolie distribution de prix, reflet d’une année parsemée de plusieurs films de très haut niveau.
Et vous qu’en pensez-vous?
Tous les nominés.
Meilleur film
Beyond the steppes de Vaja d’Alcantara
La fée : Dominique Abel, Fiona Gordon
Le gamin au vélo : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Les géants : Bouli Lanners
Meilleure réalisation
Beyond the steppes de Vaja d’Alcantara
La fée : Dominique Abel, Fiona Gordon
Le gamin au vélo : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Quartier lointain : Sam Garbarski
Meilleur scénario original ou adaptation
Le gamin au vélo : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Les émotifs anonymes : Philippe Blasband
Les géants : Bouli Lanners, Elise Ancion
Tête de boeuf – Rundskop : Michael R. Roskam
Meilleur film flamand en coproduction
22 mai – 22 mei
Hasta la vista
Pulsar
Smoorverliefd
Tête de boeuf – Rundskop
Meilleur film étranger en coproduction
Les émotifs anonymes
Potiche
Route Irish
Un homme qui crie
Meilleure actrice
Hasta la vista : Isabelle De Hertogh
Incendies* : Lubna Azabal
Le gamin au vélo : Cécile de France
Où va la nuit : Yolande Moreau
Meilleur acteur
La fée : Dominique Abel
Les émotifs anonymes : Benoît Poelvoorde
Quartier lointain : Jonathan Zaccaï
Tête de boeuf – Rundskop : Matthias Schoenaerts
Meilleure actrice dans un second rôle
Kill me please : Virginie Efira
Légitime défense : Marie Kremer
Les géants : Gwen Berrou
Quartier lointain : Tania Garbarski
Meilleur acteur dans un second rôle
Kill me please : Bouli Lanners
Les géants : Didier Toupy
Où va la nuit : Laurent Capelluto
Potiche : Jérémie Renier
Meilleur espoir féminin
Elle ne pleure pas, elle chante : Erika Sainte
Les mythos* : Stéphanie Crayencour
Marieke, Marieke : Hande Kodja
Tête de boeuf – Rundskop : Jeanne Dandoy
Meilleur espoir masculin
Le gamin au vélo : Thomas Doret
Les géants : Martin Nissen
Noir océan : Romain David
Tête de boeuf – Rundskop : David Murgia
Meilleure image
Le gamin au vélo : Alain Marcoen
Les géants : Jean-Paul De Zaeytijd
Tête de boeuf – Rundskop : Nicolas Karakatsanis
Meilleur son
La fée : Fred Meert, Hélène Lamy-au-Rousseau, Emmanuel de Boissieu
Les géants : Marc Bastien, Thomas Gauder
Tête de boeuf – Rundskop : Benoît De Clerck, Yves De Mey, Quentin Collette, Christine Verschorren, Benoît Biral
Meilleurs décors
La meute : Florence Vercheval, Eugénie Collet
Le gamin au vélo : Igor Gabriel
Les géants : Paul Rouschop
Quartier lointain : Véronique Sacrez
Meilleurs costumes
La fée : Claire Dubien
Les géants : Elise Ancion
Quartier lointain : Florence Scholtes
Meilleure musique originale
Krach : Frédéric Vercheval
Les géants : Bram Van Parys
Tête de boeuf – Rundskop : Raf Keunen
Meilleur montage
Le gamin au vélo : Marie-Hélène Dozo
Les géants : Ewin Ryckaert
Tête de boeuf – Rundskop : Alain Dessauvage
Meilleur court métrage
Dimanches
Dos au mur
La version du loup
Mauvaise lune
Meilleur documentaire
Fritkot
L’été de Giacomo (L’estate di Giacomo)
LoveMEATender
Sous la main de l’autre