Après une cuvée 2014 assez faible, sans véritables favoris ni films capables de marquer la mémoire à long terme, on attendait beaucoup de la 5e édition des Magritte qui devait voir s’affronter quelques grandes personnalités du cinéma belge. L’annonce des nominations, début janvier, confirme la tendance : l’excitation monte de plusieurs crans.
Favori plutôt logique de la compétition, Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne renforce son statut avec neuf nominations. Un bon signe ? Pas certain…
Les deux films qui menaient la danse en 2014 après le premier tour, à savoir Tango Libre et Au nom du fils, ont été balayés lors de la remise des trophées. L’année précédente Dead Man Talking, leader surprise en janvier n’avait récolté que le Magritte des meilleurs décors et quelques remarques caustiques de Patrick Ridremont.
Si on remonte à 2012, Le Gamin au vélo largement plébiscité par les votants début janvier, n’avait converti ses citations qu’à une seule reprise, avec un Magritte du meilleur espoir pour Thomas Doret. Mais il est vrai que cette année-là, se dressaient devant lui les Géants de Bouli Lanners.
Autant dire que les frères les plus célèbres du cinéma ont décidé d’attendre le 7 février sur le coup de 23h pour (éventuellement) sabrer le champagne.
Le film qui arrive en deuxième position dans la liste des nominés est Pas son genre. La comédie romantique de Lucas Belvaux, atypique, légère et intelligente, originale aussi, prouve que la fantaisie a toute sa place aux Magritte. Dans la catégorie des meilleures actrices, Émilie Dequenne déjà récompensée pour A perdre la raison et présidente de la cérémonie en 2014 sera notamment opposée à Pauline Étienne (Tokyo Fiancée), couronnée en 2014.
Comme les deux longs métrages précédents, La Marche est nominé dans les deux catégories reines: meilleur film ET meilleur réalisateur. Mais aussi par le biais de deux seconds rôles marquants : Lubna Azabal et Olivier Gourmet. Puis viennent Marina, Henri, Les Rayures du Zèbre.
Bref, de quoi attiser l’excitation générale.
Cette année-là, la manifestation est programmée le 7 février. Pour la première fois, la cérémonie officielle qui se tient comme d’habitude au Square, entre professionnels et privilégiés, est doublée par une projection publique organisée dans la grande salle Eldorado de l’UGC de Brouckère.
Au menu : toute la soirée captée par BeTV, plus l’avant-première assez spectaculaire de Tous les chats sont gris. Spectaculaire, car après la cérémonie des Magritte, l’équipe du film fera son entrée à l’UGC avec notre journaliste, filmée en direct, permettant ainsi aux spectateurs massés dans la salle de suivre une walking interview inédite sur grand écran.
Preuve de l’engouement général : la soirée (payante) était sold-out dès la veille de la manifestation. Pas mal…
Mais ne brûlons pas les étapes : quelques heures plus tôt, de très nombreuses personnalités du cinéma belge se prêtent au jeu désormais fort prisé de la descente des marches bleues du Mont des Arts. Cette année encore, des tas de travailleurs du cinéma se sont massés en haut de l’escalier, très inquiets pour leur statut, mais aussi effrayés par les restrictions drastiques imposées aux différents budgets culturels. Pomme verte à la main, badge “Tout autre chose” au revers des manteaux (il fait froid), les manifestants espèrent bien capter l’attention des politiques qui adorent assister à cet événement.
L’enjeu principal de cette édition est dans toutes les têtes : les frères Dardenne, favoris de la compétition, en sortiront-ils enfin grands vainqueurs ? Pas son genre, de Lucas Belvaux, souvent cité comme l’autre possible triomphateur peut-il créer la surprise ?
À charge pour Charlie Dupont, quoi qu’il arrive, de faire sourire les déçus et de rendre la soirée inoubliable pour les vainqueurs. Sautillant, narquois, taquin, plutôt détendu malgré l’inévitable pression inhérente à ce type de performance, le Miss Belgique du cinéma belge (comme il s’est lui-même baptisé) ne décevra pas. MC Charlie est en forme. Il a tombé la moustache cultivée pour la série Hard et balade son look de jeune quadra irrésistible sur la scène impressionnante. Ses sketches sont drôles, ses impros font mouche. Que demande le peuple ? Et madame Milka ?
Les deux premiers Magritte sont traditionnellement ceux des meilleurs espoirs remis cette année à Ambre Grouwels, révélation détonante de Baby Balloon et à Marc Zinga pour sa prestation dans Les Rayures du zèbre. La soirée commence bien avec de l’émotion, du rire et de l’intelligence.
Comme il y a deux ans, Lucas Belvaux empoche ensuite le Magritte du meilleur scénario pour Pas son genre. C’est le premier favori de la soirée à s’imposer. Un signe ?
Pas vraiment, car cette deuxième apparition est la bonne pour les frères qui remportent le Magritte de meilleurs réalisateurs, du meilleur film et permettent à Fabrizio Rongione de décrocher un trophée du meilleur acteur de l’année qui a le don de beaucoup l’émouvoir.
Chez les dames, c’est Émilie Dequenne qui triomphe : il n’y aura pas de battus cette année.
D’autant que Marina, comme Pas son genre, empoche trois Magritte au final.
Une bien belle soirée, donc, à l’image du Magritte d’honneur 2015 remis à l’immense Pierre Richard. Un moment fort drôle et très émouvant. Au diapason de cette 5e édition qui restera probablement dans les mémoires comme la plus réussie depuis la création de la manifestation.
AU PALMARES
Le Palmarès 2015, illustré par Rudy Lamboray, l’homme qui a transformé les acteurs belges en salopards et Julien E. Kermode, qui fait désormais partie de la team Cinevox
MEILLEUR FILM
Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne (produit par Jean-Pierre et Luc Dardenne et Delphine Tomson – Les Films du Fleuve)
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEUR REALISATEUR
Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Deux jours, une nuit
MEILLEURE ACTRICE
Emilie Dequenne dans Pas son genre
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEUR ACTEUR
Fabrizio Rongione pour Deux jours, une nuit
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND ROLE
Lubna Azabal dans La marche
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND ROLE
Jérémie Renier dans Saint Laurent
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEUR ESPOIR FEMININ
Ambre Grouwels dans Baby Balloon
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
Marc Zinga dans Les rayures du zèbre
[© Julien E.Kermode – 2015]
MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL OU ADAPTATION
Lucas Belvaux pour Pas son genre
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEURE IMAGE
Manu Dacosse pour L’étrange couleur des larmes de ton corps
MEILLEUR SON
Henri Morelle et Luc Thomas pour Pas son genre
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEURS COSTUMES
Catherine Marchand pour Marina
[© Julien E.Kermode – 2015]
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
Soldout (David Baboulis et Charlotte Maison) pour Puppylove
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEURS DECORS
Hubert Pouille pour Marina
MEILLEUR MONTAGE
Damien Keyeux pour La marche
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEUR FILM FLAMAND
Marina de Stijn Coninx (produit par Peter Bouckaert – Eyeworks Film & TV Drama)
MEILLEUR FILM ETRANGER EN COPRODUCTION
Minuscule, la vallée des fourmis perdues de Hélène Giraud et Thomas Szabo (coproduit par Diana Elbaum et Sébastien Delloye – Entre Chien et Loup)
MAGRITTE DU PREMIER FILM (vote du public)
Je te survivrai de Sylvestre Sbille
[© Rudy Lamboray – 2015]
MEILLEUR COURT METRAGE
La bûche de Noël de Stéphane Aubier et Vincent Patar (produit par Panique !)
[© Julien E.Kermode – 2015]
MEILLEUR LONG METRAGE DOCUMENTAIRE
Quand je serai dictateur de Yaël André (produit par Morituri)
[© Rudy Lamboray – 2015]
MAGRITTE D’HONNEUR
Pierre Richard