Tonton René vous raconte les Magritte 2014

On ne change pas une formule qui a fait ses preuves et s’améliore d’année en année : la 4e cérémonie des Magritte du Cinéma se déroulera au Mont des Arts le premier samedi de février.
Dès l’annonce des nominés, il est assez évident qu’elle promet de proposer un palmarès un peu différent. Dans une édition sans favori évident, les prétendants sont nombreux. Et comme ils sont peu consensuels, on risque de s’amuser.

 

Le résultat du premier tour de vote (secret, unique, individuel et informatisé, rappelons-le) a mis plusieurs films en évidence et résolument tourné le dos à une série de longs métrages qu’on s’attendait à retrouver d’une façon ou d’un autre dans quelques quatuors finaux. Hors les Murs de David Lambert et la Tendresse de Marion Hänsel ne sont pas cités une seule fois. Rude…

 

 

TANGO LIBRE POUR LES NOMINES

 

Ce premier tour de scrutin a été dominé par Tango Libre. Le quatrième long métrage de Frédéric Fonteyne est repris dans la section meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (2X), meilleur scénario et dans une série de catégories techniques. Seule absente de marque, Anne Paulicevich n’est pas en course pour le titre de meilleure actrice … mais elle est en lice pour celui de meilleur espoir et de meilleur scénariste, un joli doublé, très inhabituel.

 

Avant même les votes, on considérait généralement que la comédie dramatique dansante et musicale produite par Artémis était le favori des Magritte 2014… et que son concurrent le plus dangereux serait Ernest et Célestine… ce que, contrairement aux apparences, ne dément pas ce premier tour.

 

 

Bien sûr, le formidable dessin animé de Patar, Aubier (et Renner puisque le projet a été porté dès l’origine par un réalisateur français) n’obtient ici que trois nominations. Mais il ne pouvait pas faire mieux ! Financièrement, il s’agit d’une coproduction minoritaire et seule l’équipe son en plus des réalisateurs était belge. Ernest et Célestine a donc réalisé un carton plein.

 

 

Si ces deux films étaient attendus, il n’en était pas forcément de même d’Au Nom du Fils. Produit et distribué à l’arrache avec un culot extraordinaire par Lionel Jadot, la douloureuse crise de foi de Vincent Lannoo hérite de sept nominations. Vu son statut de « film indé » rebelle, encensé par ses fans, vilipendé par quelques rigoristes, à peine distribué en Belgique malgré une incroyable carrière dans les festivals étrangers, Au Nom du fils a de toute évidence frappé les imaginations.

 

Outre le film lui-même et Vincent Lannoo, un cinéaste parmi les plus passionnants du Royaume, la délicieuse Astrid Whettnall s’est frayé un chemin au sein du quatuor d’actrices en course pour le Magritte de la meilleure comédienne de l’année. Une nomination d’autant plus excitante (mais 100X méritée) que des comédiennes du calibre de Marie Gillain, Marie Krémer, Cécile de France ou Virginie Efira n’ont pas réussi à passer le cap du premier tour.

Dominique Baeyens et Achille Ridolfi ont également été retenus, en tant que meilleure comédienne dans un second rôle et meilleur espoir masculin.

 

Chez les acteurs, on va assister à une inhabituelle lutte nord/sud avec un axe commun : Tango libre. François Damiens et Jan Hammenecker se retrouvent en effet (à nouveau) face à face dans une lutte fratricide arbitrée par Benoit Poelvoorde retenu pour son éblouissante partition intimiste dans Une Place sur la Terre et Sam Louwyck qui est salué ici pour La Cinquième Saison.

 

Pour la deuxième fois, l’Académie André Delvaux propose également de récompenser un premier film, mais cette fois, le prix sera remis lors de la cérémonie, en même temps que toutes les autres récompenses.

 

 

LA CÉRÉMONIE

 

 

Pour la deuxième fois en quatre ans, de nombreux acteurs, de techniciens et de réalisateurs se sont installés tout le long du tapis qui conduit invités et lauréats potentiels jusqu’à Square. Pomme en main, ils sont venus faire part de leurs craintes légitimes quant à la modification de leur statut. Sans aucune agressivité. Mais avec conviction.

 

Comme d’habitude, la salle de Square est comble et l’ambiance fort chaleureuse. Dans tous les sens du terme. La cérémonie débute sur un ton sportif avec l’arrivée de Fabrizio Rongione en boxeur. Bien vu, car le maître de cérémonie débute par un round tonitruant où il se paie les nominés, mais aussi tous les politiques du premier rang dans un même élan enthousiaste…et iconoclaste.

 

 

Même une alarme impromptue qui ne semble pas décidée à s’éteindre ne le désarçonne pas. En deux ans, Fabrizio a imposé sa marque et sa classe. Le fils des Dardenne est devenu le visage des Magritte. Et la cérémonie s’en porte bien.

Classe aussi l’intervention initiale d’une Émilie Dequenne très en beauté, Présidente émue et émouvante.

 

 

François Vincentelli remet le premier Magritte, celui du meilleur espoir féminin, à une Pauline Burlet bouleversée et stupéfaite. Un bonheur vrai et direct qui fait plaisir à voir et à partager. Avec Le Passé, la jeune Montoise a épaté le public. Les professionnels belges aussi.

 

 

Même joie très expressive pour Achille Ridolfi, récompensé pour sa prestation 5 étoiles dans Au nom du fils. L’acteur se fend d’un petit speech touchant et est la toute première personnalité récompensée aux Magritte à remercier sur scène Cinevox pour son soutien inconditionnel. Autant vous dire que ça nous touche en plein cœur. We love H-il pour la vie.

Hélas pour le film de Vincent Lannoo, Achille Ridolfi est le seul de la bande à concrétiser sa nomination. C’est peu pour ce coup de poing, récompensé quelques mois plus tôt d’un Méliès d’or du meilleur film de genre européen de l’année, tous festivals confondus.

 

Alors que le Magritte du meilleur scénario va à une Anne Paulicevich aphone et à Philippe Blasband pour Tango Libre, le film de Frédéric Fonteyne cale, lui aussi, juste après le décollage. On pensait que cette soirée pouvait être la sienne, mais il n’en sera rien. Deux petits trophées en tout. Déception.

 

[Photo Denis Danze]

 

Les grands vainqueurs de cette quatrième édition seront en fait une souris et un ours, Ernest et Célestine, qui remportent les Magritte du meilleur son, du meilleur film et des meilleurs réalisateurs (Vincent Patar et Stéphane Aubier). Trois prix seulement. Mais sur trois nominations.
Les Magritte sont ainsi la première cérémonie occidentale à donner leur prix majeur à un long métrage d’animation. Non, non, en Belgique, on ne fait jamais rien comme ailleurs… Et qui s’en plaindra ?

 

 

[Photo Denis Danze]

 

Ce double historique ne sera pas le seul fait marquant de cette soirée. On retiendra encore (en vrac)  le Magritte du premier film attribué par le public à Une Chanson pour ma mère de Joel Franka (très guilleret), un deuxième trophée en deux ans pour le chef-op Hichame Allaouié (particulièrement ému), le Magritte du meilleur court métrage pour le désopilant Welkom de Pablo Munoz Gomez (engagé), celui de la meilleure actrice pour Pauline Étienne (fort sobre), l’absence très commentée de Benoit Poelvoorde pourtant récompensé pour l’émouvant Une place sur la terre, et le trophée du meilleur second rôle masculin décerné à Laurent Capelluto qu’on découvre aussi au fil de la cérémonie dans un intermède assez hallucinant où il incarne une dizaine de rôles différents. Dont ceux des frères Dardenne. Oui, les deux.
Un petit délire à l’image du show que nous offre durant 2h30 un Fabrizio Rongione aussi surprenant que brillant, ce soir encore. Un baroud d’honneur de compète pour celui dont on sait déjà qu’il ne fera pas l’année de trop.

 

 

Autant dire que le beau blond qui est amené à lui succéder a intérêt à prendre son élan, car la barre a été placée très haut. Mais bon, avec un « qui est là » par ici, un petit match de badminton par-là, Charlie Dupont devrait bien s’en sortir. C’est un vrai Professionnel qui sait éviter les embardées.

On prend les paris : il n’y aura pas de faux contact !

 

 

LE PALMARÈS

 

meilleur film

Ernest et Célestine de Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner (produit par Vincent Tavier et Philippe Kauffmann – La Parti Production)

meilleur realisateur

Stéphane Aubier et Vincent Patar pour Ernest et Célestine

meilleur film flamand en coproduction

Kid de Fien Troch (coproduit par Versus Production)

meilleur film etranger en coproduction

La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (coproduit par Geneviève Lemal – Scope Pictures)

meilleur premier film

Une Chanson pour ma mère de Joel Franka

 

meilleur scenario original ou adaptation
Philippe Blasband et Anne Paulicevich pour Tango Libre

 

[Photo  © Rudy Lamboray ]

meilleure actrice
Pauline Etienne dans La religieuse

meilleur acteur

Benoit Poelvoorde pour Une place sur la terre

 

[Photo  © Rudy Lamboray ]

meilleure actrice dans un second role
Catherine Salée dans La vie d’Adèle

 

[Photo  © Rudy Lamboray ]

meilleur acteur dans un second role
Laurent Capelluto dans Le temps de l’aventure

meilleure image

Hichame Alaouie pour Les chevaux de Dieu

meilleur son

Emmanuel de Boissieu, Frédéric Demolder, Franco Piscopo et Luc Thomas pour Ernest et Célestine

meilleurs decors

Véronique Sacrez pour Tango libre

meilleurs costumes

Catherine Marchand pour Vijay and I

meilleure musique originale

Ozark Henry pour Le monde nous appartient

meilleur montage

Marie-Hélène Dozo pour Kinshasa Kids

 

[Photo  © Rudy Lamboray ]

meilleur espoir feminin
Pauline Burlet dans Le passé

 

[Photo  © Rudy Lamboray ]

 

meilleur espoir masculin
Achille Ridolfi dans Au nom du fils

meilleur court metrage

Welkom de Pablo Munoz Gomez (produit par Mediadiffusion)

meilleur long metrage documentaire

La nuit qu’on suppose de Benjamin d’Aoust (produit par Hélicotronc)

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