Matthias, Bouli et Jacques
Un goût de génie et de Palme

Avec Les Films du Fleuve, les frères Dardenne ont déjà coproduit des œuvres-clés comme Le Couperet de Costa-Gavras, Looking for Eric de Ken Loach, La Prima Linea de Renato De Maria ou L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller. Le moins qu’on puisse écrire est que ces quatre aventures furent fructueuses. La toute nouvelle collaboration transfrontalière de leur compagnie ne déparera pas dans leur palmarès puisqu’ils travaillent actuellement avec un certain Jacques Audiard qui a embarqué deux des meilleurs acteurs belges dans sa folle entreprise.

 

 

Ali a 25 ans et habite dans le Nord. Il n’a pas d’argent; n’en a jamais eu. Quand on est jeune et seul, ce n’est pas un problème. Ça en devient un lorsque la fille avec laquelle vous avez eu un enfant vous le colle sur les bras. Maintenant, c’est clair, Ali a un souci : il s’appelle Sam, il a six ans. À bout de course et à court d’idées, il sonne sa sœur qui vit à Antibes, dans le Sud. C’est là que le père et son fils vont trouver refuge pour l’hiver, dans le sous-sol d’un pavillon.  Ali, en fait, s’appelle Alain. Alain van Versch. Et il sera incarné à l’écran par Mathias Schoenaerts.

 


Rien de très étonnant à cela sinon que De rouille et d’os n’est pas un film flamand, ni même vraiment un film belge, mais le nouveau long métrage de Jacques Audiard, un des plus grands réalisateurs français actuels.

On lui doit notamment Sur mes lèvres (avec un Olivier Gourmet effrayant), De Battre mon cœur s’est arrêté et Un prophète qui a survolé les César du cinéma français en 2010. Comme pour ce choc, il mise ici sur un acteur inconnu… du public français. Mais pas de nous, cela va de soi. Entre Tahar Rahim, le héros d’Un prophète et Matthias Schoenaerts, la filiation est évidente. Mais nous connaissons Matthias et nous savons que la prestation du Belge sera forcément magnifique. La présence de Marion Cotillard est un autre gage de succès.

 

 

Car oui, Marion Cotillard effectue son grand retour au cinéma après avoir offert à Guillaume Canet un premier enfant. Marion Cotillard est Stéphanie, belle… blonde de 28 ans, une princesse avec un métier étonnant : elle est dresseuse d’orques au Parc Aquatique d’Antibes. Une occupation dangereuse qui lui coûtera son intégrité physique.

 

Très librement adapté du recueil de nouvelles Un goût de Rouille et d’Os, Jacques Audiard en a aspiré l’essence, la rudesse, la brutalité. Frappé par le livre, il en a conçu une véritable histoire, celle de Stéphanie et d’Ali qui n’apparaissent même pas dans les textes originaux. Son scénario s’inscrit dans une tendance assez actuelle: le fracassant retour en grâce du mélodrame.

Sorti chez nous en 2007, le best-seller du Canadien Craig Davidson faisait la part belle aux femmes et hommes blessés, condamnés à essayer de se relever contre vent et marée. Il s’agissait de son tout premier ouvrage et on attend toujours la suite de son parcours en français. Les anglophones, eux, ont eu droit à une série de romans dont The Fighter (qui n’a rien à avoir avec le film de David Russell) et le récent Sarah Court.

 

Dans le recueil, Audiard a donc puisé des thématiques, une ambiance, un style qu’il appelle (faute de mieux, dit-il) expressionniste. Une esthétique aussi : tranchée, brutale et contrastée. Dans une ambiance noire, celle d’une nouvelle grande dépression économique qui menace. Ou est déjà là.

Cette manière d’extrapoler à partir d’une poignée de nouvelles a déjà été expérimentée par Paul Haggis pour le Million Dollar Baby qu’il écrivit pour Clint Eastwood. Espérons que cette nouvelle tentative soit une réussite de la même trempe


 

On pourrait en rester là et saliver abondamment, mais le tableau ne serait pas complet sans vous avouer que notre Bouli Lanners national fait également partie de la distribution. Dans un second rôle donc, mais diablement important, celui de Martial. Il  tournera 12 jours avec la dream team française.

 

De Rouille et d’Os sera prêt à la fin du mois d’avril… soit à temps pour une sélection cannoise. Et si aucun pépin ne vient entacher sa finition, on voit dès lors très mal ce qui pourrait empêcher Thierry Frémaux, le directeur délégué du festival de le retenir en compétition officielle.

 

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