« La Peine », immersion en prison

Cédric Gerbehaye propose avec La Peine, son premier long métrage documentaire, une immersion aussi rare que profonde au coeur de la prison.

Née de la nécessité d’une immersion longue au cœur de la prison bruxelloise, La Peine est une plongée intime et inédite dans les profondeurs de la condition carcérale. À travers le quotidien des hommes et des femmes qui y vivent, le film révèle les fêlures et les espoirs d’humanité qui tente de résister à sa propre négation.

Photojournaliste multiprimé, Cédric Gerbehaye se tourne vers le documentaire et livre un impressionnant travail d’immersion sur la condition carcérale. Pendant 6 ans, il a suivi toutes celles et ceux qui vivent et travaillent entre les murs de trois prisons bruxelloises, à un moment charnière dans l’histoire de ces établissements, suivant une grève massive en opposition aux conditions d’incarcération, l’isolement encore aggravé pendant le Covid, et pour finir la fermeture de ces prisons, transférées dans un super-établissement en périphérie de Bruxelles. Ces différents évènements mettent en lumière les enjeux sociétaux posés par la gestion collective de la question de la prison.

Le film débute par un plan majestueux, servi par un noir et blanc contrasté, explorant un bâtiment délabré, qui évoque presque une maison hantée. Au fil des jours, le cinéaste capture aussi bien les peines, les désillusions, les renoncements même que les fragiles joies qui surgissent parfois comme des étincelles: un homme qui pleure, une détenue qui accouche de jumeaux, une visite au parloir qui rassure, des rimes qui libèrent.

On plonge d’abord dans l’intimité des détenus, quand ils se rasent, quand ils fument, quand ils mangent, quand ils rêvent, quand ils tournent en rond. On observe avant tout la solitude, et les quelques surgissements d’un esprit de communauté parfois, qui restaure l’humanité dans un contexte souvent déshumanisant. « Je me sens acculé comme un animal en cage », crie l’un prisonnier. On est au plus près des préoccupations de ces hommes et de ces femmes, on ressent à leurs côtés le caractère suspendu de ce temps retiré du monde et de la société. Le film s’attarde d’ailleurs sur le déménagement en ligne de mire de la prison, qui sera ex-filtrée de la ville, repoussée à sa périphérie, avec pour risque d’éloigner plus encore les détenus d’un ancrage social déjà faible.

La Peine, c’est aussi celle des employés de la prison, les gardiens et gardiennes, et le directeur, qui accompagne les détenus dans leur parcours judiciaire, dont l’humanité est louée par la communauté.

Tout comme on ne s’attarde jamais sur les raisons qui ont amené ces hommes et ces femmes en prison, le contexte est suggéré par les émissions de télévision ou de radio qu’écoutent employés et prisonniers, une utilisation assez maline de ces différents médias qui évite de trop longues explications. Le récit navigue entre les tensions et les accès de désespoir qui rythment la vie carcérale, et des moments de grâce, une voix aérienne, une lettre à un fils, des enfants qui illuminent des visages, comme suspendus dans la noirceur de la prison.

 

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