Kneecap, groupe de rap irlandais et trio issu de Belfast, devient la figure de proue improbable d’un mouvement de défense des droits civiques visant à sauver leur langue maternelle. Et c’est parti pour un film du même nom, entre biopic, comédie et drame. Sortie ce mercredi 20 novembre !
Lorsque le destin réunit JJ, un professeur de musique qui s’ennuie, et ses amis Naoise et Liam Óg, c’est le début d’un mouvement hip-hop irlandais sans précédent. Rappant dans leur langue maternelle (mais aussi parfois en anglais !), le trio rebelle Kneecap perce et devient bientôt la figure de proue d’un mouvement de défense des droits civiques visant à sauver la langue irlandaise. Alors que le débat éclate dans l’arène publique, la police et les politiciens font tout leur possible pour faire taire le trio anarchique. Et les spectateurs présents au festival de Werchter l’été dernier, où officiait le groupe, peuvent témoigner que le message porté par la bande est totalement compatible avec une musique aussi entraînante qu’agitée. On ne s’est donc pas ennuyés une seconde, pas plus qu’on ne se tournera les pouces face au film qui relate donc cette croisade pour la langue.
« Belfast, c’est une ville très forte pour la musique traditionnelle irlandaise, mais cela reste très informel non plus. Ce n’est pas exactement comme une scène, il n’y a pas de répétitions ou quoi que ce soit avant de faire un concert, parce que tout le monde connaît les chansons. Elles ont des centaines d’années, et tu te regroupes juste et tu joues, et tu bois. C’est comme ça que je décrirais Belfast musicalement parlant », pose l’un des leaders du groupe.
Avant d’en venir au film proprement dit : « Il y a eu un gros retour de la langue qui a commencé dans le Nord vers les années 70, et bien sûr avant dans le Sud, genre 1920, dans les années où l’Etat libre a commencé à exister. Et maintenant, il y a une résurgence aussi dans les grandes villes, parce qu’il y a 200 ans, tout le monde parlait encore irlandais, et maintenant il n’y a que ceux de l’extrême-ouest, dans les Gaeltacht, qui n’ont jamais arrêté. Mais heureusement la langue revient beaucoup, et dans les grandes villes les gens voient enfin ça comme autre chose qu’une matière à l’école. Parce que ce n’est pas des maths, c’est notre vie, et notre histoire. Il fallait raconter tout ceci, notre lutte. Mais pas de manière trop prévie. Le film biographique a été fait et refait jusqu’à l’écoeurement. Généralement, on y parle de gens qui sont décédés ou qui sont vraiment à la fin de leur carrière. Faire un biopic sur un groupe de musique qui n’avait pas encore vraiment fait paraître d’album, qui n’avait pas encore signé de contrat avec une maison de disques, qui chante dans une langue que presque personne d’autre ne parle, ça frôlait l’illogisme. Et c’est exactement la raison pour laquelle nous avons voulu le faire. Dans ce contexte, il aurait été étrange de demander à quelqu’un d’interpréter une personne inconnue de la plupart des spectateurs. »
Un film qui a bien failli ne jamais se faire ! En fait, son réalisateur, Rich Peppiatt, entrait par hasard dans un bar de Belfast lorsqu’il a entendu pour la première fois les rythmes bouillonnants de Kneecap. « J’étais impressionné par sa musique et par sa présence sur scène, qui me rappelait en quelque sorte un jeune Rage Against the Machine. Parfois, j’ai l’impression que la musique est devenue manufacturée et trop prudente. Là, je me retrouvais soudainement devant trois mecs qui n’avaient pas peur de dire ce qu’ils voulaient dire et de faire ce qu’ils voulaient faire, de lancer des sacs de fausse cocaïne dans la foule ou de se faire tatouer “Dehors les Brits” sur le derrière. Leur attitude punk m’a séduit. Généralement, la bande sonore vient assez tard dans le processus, mais cette fois, c’était mon matériel de départ. Je n’ai jamais commencé un projet avec une vision aussi claire de ce que je voulais accomplir. Je voulais que l’énergie du groupe soit reflétée, que ce soit chaotique, que ça bouge dans tous les sens. Pour réaliser mon ambition, j’ai énormément travaillé en amont, dessiné un scénarimage extrêmement précis, où chaque transition était prévue et réfléchie. Si le rendu est punk et anarchique, en coulisses, tout était extrêmement planifié et méthodique. »
Le groupe reprend et conclut: « Sa vision du film correspondait vraiment à la manière dont nos cerveaux fonctionnent. Il voulait instaurer un rythme soutenu et transférer l’effet bruyant et hyperactif de notre musique à l’écran. »
Bref, ruez-vous pour découvrir ce film en forme d’ovni qui en met autant dans les yeux que dans les oreilles !