25 ans après sa création à la télévision, Strip Tease, le cultissime magazine qui nous déshabille et traque les vérités qui nous dérangent débarque sur grand écran, livrant 1h40 de témoignages tour à tour grinçant, percutants ou bouleversants vus à travers la lorgnette de l’incroyable juge d’instruction Anne Gruwez.
Ce nouvel épisode d’une saga incroyablement riche en émotions en tous genres s’offre le luxe du format cinéma, un format long qui permet d’accompagner au long cours la juge Anne Gruwez, qui en ouvrant la porte de son bureau ouvre une porte sur la Belgique des marges, celle que l’on ignore plus ou moins volontairement. Les témoignages se succèdent au rythme des affaires. La juge tient entre ses mains le sort des inculpés: prison, liberté conditionnelle, relaxe… Les cas se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Sous l’apparente légèreté de certaines confrontations, souvent rendue possible par l’humanité et la curiosité de la juge, ce sont autant de drames qui se nouent, et parfois se dénouent, et ne manquent pas de laisser pantois un spectateur estomaqué par la liberté de ton de ceux qui jouent pourtant leur liberté dans le bureau de la juge. La caméra, bien présente mais « muette », enregistre les échanges, témoin de dialogues complices ou extrêmement tendus, quand ils ne sont pas proprement renversants, voire terrifiants.
C’est le petit théâtre de la comédie humaine, comme aime à le dire Jean Libon, qui se joue dans le bureau de la juge. C’est à la fois tendre et cruel, amusant et terrifiant. Clairement le tiède est proscrit. On retrouve les marqueurs forts du dispositif de Strip Tease: pas de scénario, pas de voix-off ni de commentaire, pas de musique, pas d’interview. On laisse le spectateur cheminer au fil du récit, on partage avec lui la surprise ou la sidération.
Comme dans tout film, ici beaucoup repose sur le casting. La juge Anne Gruwez est presque bigger than life, littéralement incroyable, excentrique et empathique, personnage de polar qui arpente les rues de la Capitale dans sa Deux Chevaux rutilante, déterre des cadavres comme d’autres achètent une baguette de pain, affrontent aussi posément des meurtriers que des laissés-pour-compte de la société enferrés dans un engrenage infernal. Face à elle, ce sont autant de destins qui défilent, des vies posées en quelques minutes sur le bureau de la juge offerts aux yeux ébahis du spectateur, qui se demande souvent comment il est possible de mettre à nue des histoires si intimes.
Ni juge ni soumise semble ne rien passer sous silence, ne rien cacher derrière le voile de la pudeur, ne nous épargne rien du cadavre d’un suspect potentiel, de la main au formol d’un autre, de la dérive fondamentaliste d’un jeune homme à première vue insondable ou du délire maniaque d’une mère infanticide. Ainsi va la vie dans le bureau de la juge, entre rires francs ou nerveux, et frissons ou sidération.
Ceux qui connaissent et aiment Strip Tease retrouveront sans aucun doute l’incroyable efficacité du dispositif narratif, cette écriture si particulière basée sur l’art du décalage. Ceux qui découvrent le format s’étonneront certainement du mélange des genres, de cette juxtaposition toujours surprenante d’humour et de souffrance, cet art si particulier d’aborder la réalité avec le moins de filtres possibles, en laissant par principe la place à la surprise et au décalage.
Ni juge ni soumise signe le retour en fanfare d’un format qui renaît de ses cendres, toujours aussi pertinent pour appréhender le monde. Le film sort ce mercredi 21 février en Belgique.