La Belgique est-elle championne du monde des coproductions cinématographiques? Elle peut en tous cas postuler pour le titre. En cause: la taille de notre pays qui rend difficilement rentable la mise en place et l’exploitation d’un long métrage sur notre seul territoire. André Delvaux fut un des premiers artisans des collaborations avec la France.
Ces dix dernières années, l’émergence de fonds régionaux et l’apparition du Tax Shelter ont largement accéléré le processus. Et l’ont aussi inversé. De nombreux producteurs français décident désormais d’investir en Belgique pour profiter de ces mécanismes. En échange, ils choisissent des acteurs ou des techniciens de chez nous, filment ici ou réalisent des pans entiers de postproduction dans nos sociétés. Du coup, ces compagnies engagent du personnel, perfectionnent l’outil, innovent, etc.
Ces coproductions sont d’autant plus médiatiques qu’elles sont emmenées par des vedettes de chez nous. Ce n’est néanmoins pas systématique : The Congress, le Plan Parfait et Sur la Piste du Marsupilami ont des vedettes américaines et françaises. Et si quelques comédiens belges sont au casting d’Astérix : Au Service de Sa Majesté (Bouli Lanners, les frères Taloche et Stéphane De Groodt), les principaux personnages du film sont campés par des stars françaises.
Pourtant, quand Entre Chien et Loup coproduit le nouveau long métrage d’Ari Folman, digne successeur de Valse avec Bachir, c’est l’occasion pour une PME de chez nous d’effectuer des effets spéciaux pour une superproduction internationale avec une actrice mondialement connue, la belle Robin Wright (en live et en anim, voir la photo). Le Marsu de Chabat sera animé en Belgique et le Plan Parfait (développé sous le titre deFly Me To the Moon) a permis à la Belgique d’accueillir Dany Boon (le retour) et Diane Kruger pour de nombreuses journées de tournage.
Scope Pictures s’est fait une spécialité de ces grosses collaborations devenues d’importants succès publics, comme Potiche ou Le Petit Nicolas. D’autres producteurs francophones semblent décidés à lui emboîter le pas : Saga Films coproduit le premier long de Sylvie Testud avec Juliette Binoche et Mathieu Kassowitz, La Vie d’une autre; Iota production s’est lancé dans A Sec avec Michel Delpech, Nexus Factory et Flèche branchent la haute tension avec Cloclo et Les Films du Fleuve des frères Dardenne signent actuellement une de leur plus ambitieuse coproduction : De Rouille et d’Os de Jacques Audiard avec Matthias Schoenaerts, Marion Cotillard et Bouli Lanners. Nous en parlons plus largement dans la partie du dossier consacré aux potentiels sélectionnés cannois. À l’exception de Congress plutôt pointé pour 2013, tous ces longs métrages nous arriveront dans les douze prochains mois.
Dans Le Guetteur de Michele Placido (coproduit par Climax, photo ci-dessus), Olivier Gourmet donne la réplique à Daniel Auteuil et Mathieu Kassovitz. Ce polar violent sortira au début de l’année. Un peu avant Cloclo (le 14 mars) qui dans un tout autre registre projettera sous les feux de la rampe un Jérémie Renier qui joue sa carrière en 120 minutes. Avec un rôle pareil dans un blockbuster aussi attendu, ça passe ou ça casse. Cela dit, il y a de nombreuses raisons d’être trèèès optimiste pour le rejeton préféré des frères Dardenne : c’est un acteur captivant, capable de donner corps à un personnage en deux scènes (Le Gamin au Vélo); le scénario est formidable, la présence de Siri à la réalisation est un atout précieux et (surtout) la première séquence que nous avons découverte en primeur est tout simplement stupéfiante avec un Jérémie plus Cloclo que nature. On n’est pas dans le domaine du mimétisme, mais dans celui de la réincarnation. Vous pouvez le constater en regardant le teaser que nous avons été les tout premiers à mettre en ligne en Belgique (nanananère ;-)).
Également révélée par Jean-Pierre et Luc Dardenne, face à Jérémie Renier dans l’Enfant (Palme d’or à Cannes), Déborah François reçut en 2009 le César du meilleur Espoir féminin pour Le Premier Jour du Reste de ta Vie (photo). Loin de se reposer sur ses lauriers, elle a terminé l’année 2011 en fanfare derrière sa caisse enregistreuse, incarnant la blogueuse rebelle des Tribulations d’une Caissière. Un premier grand rôle dans un film français immédiatement suivi d’un autre, tout aussi alléchant dans Populaire où elle joue une dactylo en course pour le championnat du monde de sa spécialité. Drivée par Romain Duris, elle partage l’affiche avec Bérénice Béjo, Miou-Miou, Eddy Mitchell et Nicolas Bedos. Cette grosse production qui devrait beaucoup plaire aux fans de Mad Men (quoiqu’ici on soit plutôt dans les fifties) sortira sans doute l’été prochain. Fin décembre, nous étions invités sur le tournage à Liège : plateau fermé, secret total; discrétion exigée. Mais ce qu’on a vu nous a emballés.
En Belgique et en France, Toutes Nos Envies de Philippe Lioret (photo) n’a pas connu le succès commercial escompté. Une occasion manquée pour Marie Gillain pourtant impeccable dans ce drame fort émouvant. Elle hérite heureusement d’une nouvelle chance de briller en France avec Landes; l’histoire d’une veuve qui, à la tête d’un immense domaine terrien, rêve d’y amener l’électricité. Un combat difficile à mener dans la société bourgeoise machiste des années vingt, peu encline à l’innovation. Un magnifique rôle de plus pour Marie dans un premier film où elle croisera Miou Miou, Sergi Lopez et le réalisateur Xavier Beauvois, ici acteur.
Nous avons déjà publié un papier sur les projets d’une autre de nos stars : Cécile de France. Répétons simplement qu’elle retrouvera dans Talkshow, le réalisateur Xavier Gianoli qui l’avait dirigée dans Quand j’étais chanteur avant de renouer avec toute l’équipe des Poupées Russes pour un Casse-Tête Chinois qu’elle partagera donc avec Romain Durys, Audrey Tautou et Cédric Klapish. Elle terminera son année dans un thriller d’espionnage aux côtés de Jean Dujardin. Mobius, produit par Europa Corp sera réalisé par Éric Rochant.
Un article consacré à nos vedettes évoluant à l’étranger ne serait pas complet sans un paragraphe à la gloire du Grand Ben. Avant de titiller l’imaginaire collectif avec les Adorés qui pourrait lui valoir une reconnaissance critique (cannoise?), Benoit Poelvoorde aura déjà eu deux occasions de se rappeler à notre bon souvenir. Si tant est que nous risquions l’oublier, ce qui est peu probable.
Pour son copain Jean-Paul Rouve (Podium), il joue un second rôle dans Quand je serai petit aux côtés de Miou-Miou et Claude Brasseur, mais c’est surtout dans Le Grand Soir qu’il risque de frapper les imaginations. Benoit en punk à chien, on attend de voir…Ce nouveau délire de Benoit Delépine et Gustave Kervern réunit outre Benoit, Albert Dupontel qui sera son demi-frère, Brigitte Fontaine sa génitrice et Areski Belkacem, son père, mais également Yolande Moreau et Bouli Lanners. Après Louise Michel et Mammuth, le duo de Groland plonge dans un univers punky débraillé qui, si on en croit la rumeur, va décoiffer sa mère (en short fluo).
Comme il n’allait quand même pas se contenter de trois minuscules films de rien du tout pour les prochains mois, Benoit profitera aussi de 2012 pour tourner Une place sur terre de Fabienne Godet, un Fenêtre sur cour romantique et lunaire qui sera filmé dans les Marolles avec pour Benoit un rôle assez surprenant de photographe célibataire et voyeur.
Ce tour d’horizon en sept chapitres, long et détaillé sans doute, ne nous a pourtant pas permis d’être exhaustifs. Dans les semaines à venir, nous continuerons notre exploration avec les longs métrages d’animation et les films flamands. Notamment.
Quelle année, on va vivre ensemble !