Cloclo
Le jouet extraordinaire.

En  1991, sortait The Doors, biopic halluciné réalisé par Oliver Stone, porté par un Val Kilmer étonnant. Jim Morrison revivait sous nos yeux. Dans la foulée de ce succès, The Doors revenait sur le devant de l’actualité pour contaminer un jeune public qui n’en avait pas forcément entendu parler jusque-là. La force du cinéma. Depuis, les films retraçant les carrières de stars de la musique se sont multipliés. L’histoire retiendra Ray, La Môme ou le très étrange Gainsbourg, vie héroïque assez fascinant.

Vingt et un an plus tard, pour le 34e anniversaire de sa disparition, c’est Claude François  qui après avoir manétisé les grands écrans arrive aujourd’hui dans vos salons  : Cloclo le biopic de Florent Emilio Siri,   coproduit par les fils de Claude eux-mêmes et Nexus Factory est transcendé par un Jérémie Renier en état de grâce.

 

 

 

En France et chez nous, Cloclo est évidemment un mythe, adulé par les uns, détesté par les autres (le mal aimé), il n’a jamais laissé personne indifférent. De son vivant et par-delà sa mort. Ceux qui sont assez âgés pour se rappeler son omniprésence sur les radios périphériques, les chaînes de

télévision et sur les scènes belges et françaises savent très bien que l’homme était un battant, multipliant les tubes, imposant des modes. On a tous le souvenir d’un ouragan blond sautillant au milieu de quatre demoiselles fort dénudées pour l’époque. Le sommet de l’iceberg. Qu’on retrouve dans le film, bien sûr, mais ce Cloclo n’est pas que ça. Loin de l’hagiographie que certains redoutaient, il nous révèle la face privée du personnage : un artiste hyperactif, maniaque, d’une exigence impitoyable, la créativité toujours en alerte, mais aussi ses mouvements d’humeurs, ses mauvais choix, son génie de la manipulation. Sa mégalomanie, et ses doutes. L’une étant la conséquence directe des autres.

 

 

En deux heures trente, le film fait le pari de brosser l’existence entière de Cloclo. Au début de la projection, on pense que cette volonté d’être exhaustif est un parti-pris risqué : le film démarre par une série de vignettes filmées au Maroc et représentant la jeunesse égyptienne de Cloclo, de très courtes scènes un peu trop schématiques, un peu trop touristiques, un peu trop idéalisées. Peut-être. Mais le miracle se produit très vite. On s’habitue au rythme, et  dès que les personnages s’installent, on se laisse happer sans résistance dans leur univers. Avec délectation.  À mesure que le film avance, on tourbillonne dans cette valse hypnotique, entraînés par une mise en scène haletante, toujours inventive et par un Jérémie Renier d’exception.

 

 

Depuis douze ans, depuis qu’Antoine de Caunes a évoqué l’idée d’un biopic,  Jérémie s’attend à jouer ce rôle, le rôle d’une vie. Une bénédiction? Pas certain. Devant l’ampleur de la production et les espoirs qu’il suscite chez les fans, mais aussi auprès du grand public, ce projet pouvait devenir un piège terrible. Entre inspiration, imitation et parodie, il n’y a parfois qu’un minuscule pas. Qui pouvait condamner Jérémie à jamais. Et? Et on s’aperçoit vite qu’on n’est ni dans l’inspiration, ni dans l’imitation, encore moins bien sûr dans la parodie. On peut ici parler de réincarnation. Pure et simple.  Jérémie est Claude François; sans artifice. À tel point que lorsqu’il nous arrive de nous distancier quelques secondes du film pour adopter une posture plus critique, on se pince, car on se demande où est passé l’acteur. Non, ce type ne ressemble pas à un comédien. On ne voit plus que Claude François sur l’écran. Un Claude polymorphe, doux et agressif, enjoué et dépressif, naïf en grand ado, totalement paranoïaque en quadra harcelé par les médias, cyclothymique en diable, adorable et odieux. Jérémie bouge, parle, crie comme Cloclo. La similitude est tellement incroyable qu’elle en devient vite troublante.

 

 

Hors Jérémie, les autres acteurs sont épatants, la mise en scène de Siri, on n’en est pas étonné,  est époustouflante;  le choix des chansons, le rythme des séquences et leur enchaînement, l’humour rare mais qui fait mouche,  la complicité qui s’installe avec le spectateur (la scène de la mort),  la fluidité du récit, surtout, sont autant d’atouts qui font de ce film un régal de tous les instants. Un vrai spectacle grand public, familial, jamais nostalgique, car filmé et monté de façon hyper moderne, fédérateur. Après la vision, on se prend à chantonner. Qu’on aime ou pas le catalogue de la star. Car on les connaît tous ses tubes. Ils sont en nous.

« Si on s’intéresse « juste » à ce curieux personnage, somme toute très improbable (« je suis petit et j’ai une voix de canard » dit-il d’ailleurs à un moment), sa trajectoire est absolument passionnante. « , écrivait très récemment Geoffrey Klompkes, le spécialiste des réhabilitations méritées dans Télémoustique. « Même si on reste d’ordinaire insensible à ses tubes, on frissonne quand on le voit créer Belle belle belle,Comme d’habitude ou Magnolias Forever. »

Qu’on le veuille ou non…

 

 

 

 

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