Guillaume Senez présente en avant-première belge au Festival de Namur Une part manquante, son nouveau film, où il entraine Romain Duris au Japon.
En 2018, Guillaume Senez et Romain Duris ouvraient le Festival de Namur avec le bouleversant Nos batailles, la l’histoire d’un père mis face à ses responsabilités quand la mère de ses jeunes enfants disparait. Ils devraient à nouveau faire vibrer le public namurois avec Une part manquante, qui explore à nouveau la complexité de la figure paternelle, à travers l’histoire d’un homme séparée de la fille.
Jay est français, mais il habite au Japon depuis de nombreuses années. Ancien chef de renom, il est aujourd’hui chauffeur de taxi, arpentant la nuit pour ses clients les rues qu’il parcourt le jour à la recherche de sa fille. Séparé de sa mère, son statut de père lui a été confisqué, on ne l’autorise plus à l’élever. Au moment où débute le film pourtant, Jay semble avoir atteint son point de rupture. Il est prêt à abandonner, à quitter ce pays où malgré ses tentatives de s’intégrer, il est toujours resté un étranger, un Gaijin.
Quand Jessica, une jeune mère française en souffrance séparé de son enfant débarque dans sa vie, l’équilibre de Jay est rompu, sa vie monacale vole en éclats. Lui qui pensait avoir laissé derrière lui sa bataille pour retrouver sa fille, prêt à taire émotions et sentiments, il est rattrapé par la colère de Jessica, sa détermination à ne pas laisser faire les choses. Alors qu’il prend le volant pour remplacer un collègue, il pense croiser la route de sa fille. C’est un électrochoc. Jay remet tout en question, prêt à franchir la ligne rouge pour nourrir l’espoir de retrouver sa fille.
Il est des combats que l’on devine perdus d’avance. Face à la machine judiciaire et à la culture familiale qui fait loi au Japon, les chances de Jay de se voir restituer le droit de voir sa fille sont on ne peut plus minces. Pourtant, c’est une lueur d’espoir qui peu à peu va éclairer son quotidien. Une part manquante explore tout autant l’obsession d’un père que le statu irréductible de l’étranger. Eternel exilé, Jay s’est oublié à trop vouloir d’adapter, comme il a été effacé de la mémoire de sa fille. Sa rencontre avec Jessica, sorte de miroir inversé du père qu’il a été, fait peu à peu ressurgir ses pulsions, comme s’il envoyait valser ce costume trop étroit qui l’a contraint si longtemps.
Comme dans Nos batailles ou Keeper, Guillaume Senez raconte un homme entouré de femmes qui l’élèvent et l’extraient de son aveuglement, ici Jessica, mais aussi son avocate, et sa fille. Le cinéaste filme le Japon en se gardant de tout exotisme. Jay a tout fait pour se fondre dans la masse, il a beau être presque plus japonais qu’un Japonais, il reste pourtant exclus. Il est tout autant rejeté par son ex-femme et donc sa famille que par le corps social qu’il a voulu intégrer. Pourtant, cet échec est traversé par une lumière que l’on voit poindre, de plus en plus brillante au fil du film, alors que la nuit fait place au jour, et que Lily, l’enfant confisquée, prend sa place dans le récit. La contrainte et la retenue qui guidaient le récit comme la vie de Jay laissent alors filtrer une lueur d’espoir et un souffle de vie qui brillent sur le coeur et le visage de Jay. Des retrouvailles émouvantes entre Senez et son acteur fétiche Romain Duris, à la hauteur de leur première rencontre sur Nos batailles, en somme.
Le film sortira le 20 novembre prochain dans les salles belges.