En partie produit en Belgique où il a été peaufiné, The Prodigies nous arrive en 3D dans toutes les salles équipées. Une claque magistrale. Mais, attention ! Ça peut faire mal !
Depuis de longs mois, Patrice Lecomte a entrepris de porter à l’écran Le Magasin des Suicides, un roman noir et décalé de Jean Teulé. La nouvelle n’aurait rien d’extraordinaire si le réalisateur des Bronzés et de M.Hire n’avait choisi d’utiliser l’animation assistée par ordinateur et un style visuel mariant les univers de Tim Burton et Sylvain Chaumette (les Triplettes de Belleville). Le hasard du calendrier veut qu’en ce beau mois de juin, une autre adaptation d’un roman culte, épousant la même démarche, nous arrive en trombe.
The Prodigies est sorti ce 8 juin dans toutes les salles. Et même en 3D où c’était possible. Même si son titre ne le dit pas, il s’agit bien de l’adaptation du mythique livre de Bernard Lentéric, La Nuit des Enfants Rois, sorti en 1981 et devenu culte pour plusieurs générations.
Autre point commun entre ces deux longs métrages atypiques et tellement prometteurs ? Dans les deux cas, des équipes d’artistes et techniciens belges ont donc travaillé ou travaillent encore sur le projet. Car, au-delà des réalisateurs enfin reconnus et des acteurs de plus en plus populaires, il existe chez nous une industrie technique formidablement performante, prisée par les producteurs internationaux. Outre Le Magasin des Suicides et The Prodigies, qui est coproduit en Wallonie par Scope Picture, c’est en Belgique qu’est née Samy, la tortue de Ben Stassen. C’est ici aussi qu’on a réalisé la deuxième saison de Minuscule, qu’on concevra le Marsupilami d’Alain Chabat ou qu’on s’apprête à peaufiner The Congress, une œuvre mixte (live et animation) qui fera beaucoup parler d’elle… en 2013. De nombreux producteurs viennent effectuer chez nous le montage, la postproduction numérique ou encore, comme ici, l’enregistrement de la musique du film (Studio Galaxy à Mol) ou l’enregistrement des voix françaises (société Dubbing à Anderlecht).
La Nuit des enfants Rois est l’histoire de sept jeunes prodiges (cinq dans le film) et de leur mentor, un certain Jimbo Farrar. Jimbo travaille pour une multinationale américaine. Il est doté d’une intelligence stupéfiante, mais il est perturbé par le sentiment d’être seul, incompris et inutile. Lorsqu’il tombe sur la trace des prodiges et les rencontre un à un, il sent que sa vie prend enfin tout son sens. Hélas, une fois que tous sont réunis; une agression va exacerber leur haine de l’humanité. Et lorsqu’une poignée de génies se met à comploter pour se venger, ça peut faire très mal !
Voilà pour le livre. Le film en conserve la substantifique moelle, mais les auteurs ont naturellement remis l’histoire au goût du jour. Car, trente ans auront été nécessaires pour qu’un certain Antoine Charreyron s’attelle sérieusement à la tâche. Ce fan de Half-Life 2 est issu du monde de la vidéo ludique. Ces dix dernières années, il y a réalisé des jeux comme Tombraider : The Angel of Darkness, Terminator III: The Rise of the Machines ou Wheelman starring Vin Diesel.
Au fil des ans, on a pourtant envisagé à de très nombreuses reprises une adaptation cinématographique de ce roman magistral: un des projets les plus aboutis devait même s’articuler autour de… Pierre Richard et Jane Birkin ! Une autre époque…
Après toute cette attente, il fallait bien sûr remodeler le scénario. Car de 1982 à 2011, tout ou presque a changé ici bas. Nous vivons aujourd’hui dans une société numérique. Du coup, tout a été repensé, réaménagé, transposé plutôt qu’adapté. Il était impossible, impensable même, de faire autrement.
Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre vu son background, Charreyron n’a pas joué la carte du photo réalisme de la motion capture. Il a opté pour un univers graphique, plus personnel, plus sommaire sans doute, évoquant certains mangas, mais privilégiant les atmosphères, les ambiances et surtout les émotions. Car sans émotion, The Prodigies n’aurait aucun intérêt. Cela dit, le réalisateur maîtrise la gestion des scènes d’actions et les mouvements de caméra 3D spectaculaires. Du coup, The Prodigies n’est pas loin de révolutionner le genre sur grand écran.
Un des concepts visuels essentiels de la narration consiste à estomper les décors quand l’agitation mentale des enfants devient intense. Il existe ainsi un niveau où les héros, soumis à une confusion incontrôlable ,quittent le réel. Les personnages adultes agressifs se déforment eux aussi jusqu’à se transformer en monstres. Pour aboutir à ce résultat étonnant, inspiré des codes des comics US, Antoine Charreyron a carrément débauché Francisco Herrera et Humberto Ramos deux artistes qui travaillent habituellement chez Marvel.
Vous l’avez deviné: tout film d’animation qu’il est, The Prodigies n’est pas une bleuette destiné aux tout petits. Rappelons que le livre lui-même a suscité en Belgique deux grandes vagues de protestation menées par des parents auprès des différents ministres de l’Enseignement de la communauté française. Certains parangons de vertu ont été jusqu’à réclamer son interdiction pure et simple dans le cadre scolaire. En cause: une scène de viol particulièrement dure et explicite. Comme si le viol n’était pas, par essence, un acte répugnant devant être montré dans tout son effroi… D’autant qu’il est le pivot du récit, le moment où naîtra la colère des fameux Enfants Rois…
Visible dans nos cinémas depuis ce 8 juin, présenté en 2D et 3D dans les salles équipées, The Prodigies est un des événements-clés de ce mois de juin. La bande-annonce qui circule depuis quelques semaines suscite à la fois la curiosité des parents et de leurs ados. Avouez que c’est assez rare pour un film. Animé de surcroît…