Sur le tournage de… « Le Soleil dans les yeux »

Bruxelles, 5 novembre 2019. Au coeur de l’ULB, au dernier étage des résidences étudiantes, une petite foule concentrée a investi les locaux de Radio Campus. Dans l’un des studios plongé dans l’obscurité, Nganji Mutiri a les yeux fixés sur le combo. De l’autre côté de la vitre, ses deux comédiens rejouent une scène intense et délicate.

Nous sommes sur le set du premier long métrage du réalisateur. Après avoir débuté dans la finance, celui-ci s’est lancé dans une carrière artistique il y a une dizaine d’années, déployant son talent aussi bien dans la photo que le cinéma, et enchaînant différents projets avec l’énergie et les moyens du bord. Habitué des autoproductions, il se lance ici, avec le soutien de son producteur Quentin Noirfalisse (Dancing Dog), dans l’aventure du premier long en production légère, suite à l’appel à projets lancé par la Fédération Wallonie-Bruxelles (auquel on doit également Fils de plouc, Losers Revolution, Une vie démente ou Totem, dont nous vous avons parlés ces derniers mois).

Le pitch?

Riziki et son mari Paul sont deux journalistes engagés à Kinshasa. Un soir, alors que le pays est encore marqué par la guerre civile, Riziki et Paul sont agressés, devant les yeux de leur fils unique, Amani, par des hommes armés. La famille subit un traumatisme que le spectateur ne comprendra pas immédiatement. Riziki fuit en exil pour la Belgique, laissant son enfant dans les mains de sa mère. Dix ans plus tard, à Bruxelles, Amani débarque pour la première fois en Belgique. Il a 21 ans, et vient pour faire ses études et tenter de renouer avec sa mère. Tous deux doivent rapidement tenter d’affronter les blessures du passé.

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Le casting

Ce drame familial suit donc les retrouvailles bouleversantes d’une mère et un fils éloignés par la vie, qui doivent surmonter les fantômes du passé pour aller de l’avant. Dans le rôle de Riziki, on retrouve la comédienne belge Babetida Sadjo, un rôle âpre et intense pour l’actrice qui nous parlait il y a peu de la difficulté de trouver des rôles ayant une réelle épaisseur et une vraie envergure pour une comédienne noire en Belgique.

Face à elle, un jeune comédien, Edson Anibal, qui trouve là un premier grand rôle à la hauteur de ses espérances. Croisé sur le tournage, il nous confiait lui aussi la satisfaction de pouvoir incarner Amani dans toute sa complexité. « J’ai l’impression d’avoir toujours aimé le cinéma francophone, mais que lui me disait: ‘Ouais, mais moi non’ en fait’. » Avec ce rôle, il sort des clichés. On est loin des stéréotypes souvent à l’oeuvre dans les fictions francophones, où l’on appelle les comédiens noirs pour des rôles de migrant ou de dealer, sans autre caractéristique que leur fonction symbolique.

Balayer les clichés pour tendre vers l’universel

De son côté, le cinéaste prévient: « On va surement surement me dire que c’est un film de la diaspora congolaise, mais pour moi, c’est avant tout une histoire universelle. Quand je regarde un film iranien ou coréen, je suis d’abord dans une histoire, l’origine des personnes devient un détail. » Pour autant, même s’il serait trompeur de réduire Le Soleil dans les yeux à un film de la diaspora, ce n’est pourtant pas rien qu’il le soit, alors que la représentation des minorités sur les écrans est un réel enjeu culturel et politique.

Proposer une autre lecture et une autre vision, balayer les clichés habituels qui collent à la peau des personnages noirs dans le cinéma francophone représente aussi une certaine responsabilité. Nganji Mutiri cite d’ailleurs la grande écrivaine américaine Toni Morrison, qui disait: « S’il y a un livre que tu veux vraiment lire, mais qui n’a pas encore été écrit, alors tu dois l’écrire ». Une façon, surement, de se ré-approprier sa propre histoire.

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Un tournage entre Bruxelles et Kinshasa

Le plateau est en plein effervescence, l’équipe s’apprête à se rendre sur un autre lieu de tournage, avant de s’envoler début décembre pour Kinshasa pour quelques jours . Une fois n’est pas encore coutume, on croise de nombreuses techniciennes sur le plateau. « On a vraiment viser à atteindre une vraie parité en composant l’équipe, explique le réalisateur ». Celle qu’il appelle son « équipe de rêve », le cinéaste l’a voulu mixte, et locale. Ainsi, ce sont de jeunes techniciens congolais qui prendront le relai sur le set kinois, où le réalisateur sera épaulé par la jeune réalisatrice Clarisse Muvuba.

On devrait retrouver Le Soleil dans les yeux  – c’est un titre provisoire, inspiré du précédent court métrage de Nganji Mutiri – dans le courant de l’année 2020.

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2mn avec… Edson Anibal

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