Dans le premier article de notre grand dossier consacré au cinéma du Nord du pays, nous mettions en exergue quelques-unes des caractéristiques qui forgeaient son identité : isolée linguistiquement et culturellement (même de ses voisins néerlandais), l’industrie du 7e art flamand se suffit à elle-même, existe par elle-même. Elle ne subit donc aucune concurrence réelle puisque sa seule langue véhiculaire lui permet d’être originale et prisée sur ses terres.
Ainsi décomplexés, certains metteurs en scène, même débutants, n’hésitent pas à s’approprier un genre, à oser une démarche que d’autres, ailleurs, n’envisageraient pas. Avec un culot monstre, une identité unique et, très souvent, avec un talent consommé. Car, c’est là une des autres caractéristiques des films produits au nord de Bruxelles: ils sont d’un niveau moyen inhabituellement élevé. Une preuve ? Au hasard (enfin, pas vraiment) : Linkeroever/Left Bank !
Voilà un film fantastique, dans tous les sens du terme, inédit en salle chez nous, heureusement disponible en DVD agrémenté de sous-titres français. Une opportunité idéale de s’infliger un autoélectrochoc qui restera gravé dans nos souvenirs.Voilà un film fantastique, dans tous les sens du terme, inédit en salle chez nous, heureusement disponible en DVD agrémenté de sous-titres français. Une opportunité idéale de s’infliger un autoélectrochoc qui restera gravé dans nos souvenirs.
Passé une séquence d’ouverture étrange qui laisse présager que nous sommes en fait dans un thriller, Left Bank débute sur un mode réaliste, ancré dans la vie quotidienne: Marie est une jeune femme de 22 ans, qui s’entraîne pour les championnats d’Europe d’athlétisme. Gros potentiel, caractère fort. À côté de la piste, le très beau Bobby, tire à l’arc. Une rencontre dans les vestiaires, des regards lourds de sens, des corps qui s’attirent, la passion couve. Elle sera torride et sans retenue (explicite à l’écran, pas de fausses pudeurs).
Mais nous ne sommes pas dans une comédie romantique, loin de là. Petit à petit, l’ambiance s’épaissit, l’atmosphère se fait plus angoissante. « Atmosphère », le mot est lâché. Car Pieter Van Hees, le réalisateur de Left Bank connaît visiblement sur le bout des doigts son petit Polanski illustré. Et sur ce qu’on découvre ici, sa préférence va au Polanski des années 60 qui nous a donné Répulsion et Rosemary’s Baby. Car Left Bank, vous vous en apercevrez bien assez vite, se situe sans complexe à l’exacte croisée de ces deux chefs d’œuvres.
Le film, qui épate par sa densité, doit aussi beaucoup à ses deux acteurs principaux. La jeune Eline Kuppens qu’on retrouvera bientôt dans Quichote’s Eiland se voyait confier là son tout premier rôle dans un long métrage. Et quel rôle ! Omniprésente, elle est le point d’ancrage des émotions du spectateur qui s’enlise avec elle dans les marasmes d’un récit angoissant. Face à elle, l’acteur flamand le plus charismatique du moment: Matthias Schoenaerts que le public francophone vient de découvrir avec Rundskop/Tête de bœuf ou dans La Meute (avec Yolande Moreau et Émilie Dequenne). Comme dans Rundskop, Matthias parvient à traverser tous les registres en quelques minutes: attachant, inquiétant, captivant, il irradie. Pas étonnant qu’Hollywood lui ouvre les bras puisqu’il participe au remake américain de Loft.
Mieux vaut, avant de s’immerger dans ce film, ne pas en connaître plus que ce que nous avons déjà raconté. Sachez seulement que la fin est extrêmement réussie, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce genre de scénario. Ainsi rassurés, vous pouvez plonger sans arrière-pensée dans ce trouble cauchemar qui vous hantera longtemps.