Nous avons rencontré Kody en début de semaine, à la veille de la sortie de Losers Revolution où il tient l’un des rôles principaux. Il nous parle de cette expérience, mais aussi de son rôle dans Lucky d’Olivier Van Hoofstadt, de ses envies de cinéma, de Magritte, qu’il présentait pour la première fois le 2 février dernier, et de la place des comédien·nes racisé·es dans le cinéma francophone.
Si vous n’avez pas encore vu le film, peut-être pourrez-vous le rattraper d’ici quelques semaines quand les cinémas rouvriront. Il sera également disponible plus tard sur Proximus, puis diffusé en prime sur la RTBF!
Pouvez-vous nous présenter votre personnage dans Losers Revolution en quelques mots?
Mehdi est un type plutôt réservé, mais assez maniéré. Il est perfectionniste, aime les belles phrases, et fait partie d’une bande de potes malmenée pendant leur enfance par la bande des cools. Ils se sont fait sérieusement humilier, et un jour, lors de l’enterrement d’un ami, on leur annonce que cet ami avait une dernière volonté, les voir retrouver leur dignité en allant à la fête des anciens pour foutre la honte à leur harceleurs. C’est la revanche des humiliés.
Mehdi est un personnage qui évolue beaucoup. Il va laisser sortir la bête qui sommeille en lui, et se révéler beaucoup plus extraverti que prévu. C’était un chouette personnage à interpréter, avec la possibilité d’explorer beaucoup de choses différentes.
D’autant qu’il y a un peu deux personnages dans le film, le Mehdi de la bande de potes, et la « créature » de télé réalité.
Exactement, avec ses potes il a des principes, il aime citer les grands auteurs. Chez les Alpha Belga Boys, c’est une folle extravertie. Sa vérité à lui, elle est entre les deux finalement.
Finalement j’adore ça, jouer des personnages, ça me permet de sortir de moi, ce que je peux faire aussi en télé dans le Grand Cactus.
C’est rare en Belgique, une comédie sans complexe et sans limite, il y a une jubilation à jouer des personnages qui se permettent tout?
C’est extrêmement jouissif, parce qu’on peut à la fois intérioriser sur certaines scènes, plus intimes. Dans d’autres, Mehdi se lâche complètement sous l’influence des stupéfiants.
Comment vous situeriez cette comédie?
Thomas Ancora a toujours été fasciné par les comédies américaines, celles de Judd Appatow, leur folie, leur délire. Il avait envie de faire ça, mais à la sauce belge, avec nos moyens et notre réalité. Et je pense qu’il a réussi à donner ce ton là. C’est un autre style que ce qu’on a l’habitude de voir ici. On l’a suivi dans son délire, et on s’est bien marré. C’était un buddy movie, un film de potes à tous les égards. On savait où on allait, et on y est allé avec toute notre énergie.
Qu’est-ce que vous avez fait de plus dingue pour ce tournage?
J’ai dû courir avec des talons, dans une prairie boueuse en plus! Ca demande pas mal d’entrainement! Parce que bon, les perruques, finalement, j’ai l’habitude…
Votre réplique préférée?
« Viens si t’es un Flamand! » C’est n’importe quoi, et franchement, j’adore. C’est la belle belgitude du film. On a presque envie d’en faire un t-shirt. J’ai toujours considéré qu’en Belgique, on a vraiment la capacité de faire de super comédies. On a vraiment beaucoup de choses à offrir, et c’est un bon début je pense. Continuons sur cette lancée!
Vous êtes aussi au générique de Lucky?
Oui, c’était vraiment une super expérience. Quand on m’a proposé de rencontré le réalisateur de Dikkenek, je n’ai pas hésité une seconde. On n’a pas fait de casting d’ailleurs. Olivier Van Hoofstadt ne travaille pas comme ça, il connaissait mon travail, il m’a offert un chouette rôle. Il est très ouvert aux propositions des acteurs, je pense qu’il les aime vraiment. On a pu improviser, proposer. J’aime bien cette manière de travailler, de créer même en tournant.
Je joue Trésor, un gars qui n’est pas vraiment un dealer, il veut juste gagner un peu de thune, on lui propose des coups plus ou moins foireux. C’est un Huggy-les-bons-tuyaux, mais avec des mauvais tuyaux. Il est censé trouver une planque pour un gros narco, mais il se fait voler toute la cargaison. Du coup la meilleure manière d’éviter les dealers, c’est d’aller directement à la police. Et j’ai une chouette scène avec Berléand et Foresti. On a très envie de retravailler ensemble avec Olivier Van Hoofstadt, on réfléchit à un scénario, avec Laura Laune.
Vous venez de présenter pour la première fois les Magritte du Cinéma, c’était comment?
C’est toujours particulier de présenter une remise de prix, on se retrouve face à deux publics différents, les professionnels, dont certains un peu stressés car ils sont en lice, et le grand public, les téléspectateurs.
Pour moi, c’était comme un grand casting à ciel ouvert! Je me suis bien amusé, j’ai fait des vannes plus ou moins trash, je voulais surtout que cette Cérémonie ne soit pas un one-man-show, ne pas tirer la couverture à moi, et laisser la place au cinéma et aux talents.
Vous avez des projets cinéma?
Je suis en train de lire des scénarios. Ce sont de nouvelles opportunités qui s’offrent pour moi, c’est vraiment excitant. Je prépare aussi un nouveau spectacle, donc je vais devoir trouver un équilibre, d’autant que j’écris moi-même un long métrage, en plus du projet avec Olivier et Laura Laune.
Que pensez-vous de la place des comédiennes racisé·es en Belgique aujourd’hui?
J’ai fait une blague à ce sujet lors des Magritte, car leur peu de visibilité est une réalité. Ma façon à moi de réagir, c’est de proposer des choses, enfoncer les portes. Je ne suis évidemment porte-drapeau de rien, mais c’est rageant. Je ne peux qu’encourager les scénaristes à penser de manière plus large. Dans la vraie vie, ils ont toutes les chances de tomber sur un cardiologue, un infirmier noir ou arabe ou indien, et ça ne les étonne pas. Qu’ils et elles se laissent aller à mettre ça dans leurs histoires.
Moi j’ai fait quelques castings dans lesquels les rôles ne dépendaient pas de la couleur de peau du comédien, c’est génial, et j’ose espérer que c’est un mécanisme de pensée qui est en train de s’installer. Encourageons la diversité. Aïssa Maïga et Omar Sy ne peuvent pas incarner toutes les femmes noires et tous les hommes noirs du cinéma francophone. Je connais plein de jeunes qui font le conservatoire. Il faut leur faire confiance. La meilleure preuve, c’est que dans le Grand Cactus, j’interprète de nombreux rôles très loin de mon apparence physique, et les gens y croient. Si on y croit là, on peut y croire sur de belles histoires du cinéma belge et français!