Leïla Albayaty présente en Compétition Nationale au Brussels International Film Festival son 2e long métrage, « D’Abdul à Leïla », inclassable documentaire chanté à la première personne, sur les traces des origines de la cinéaste.
« J’ai toujours préféré chanter que parler ». Après Berlin Telegram et Face B, Leïla Albayaty revient avec un nouveau film qui défie les définitions. Présenté en Compétition Nationale à l’occasion de ce 7e Brussels International Film Festival.
Amnésie, art et héritage s’entrelacent dans la quête de Leila, une artiste franco-irakienne, qui, après un accident, reconstruit son passé en apprenant l’arabe entre l’Europe et le Moyen-Orient et chante les poèmes de son père exilé.
Fille d’un père irakien et d’une mère française, Leila est coupée en deux, travaillée par des origines derrière lesquelles elle court depuis vingt ans. Il lui manque le sésame qui ouvrirait les portes, qui va s’incarner peu à peu dans la langue et le chant. Tout au long de ce film chanté et dessiné, elle tente de démêler le vrai du faux.
C’est à Berlin que débute le film, telle une page blanche où recommencer, où s’inventer et accueillir ses multiples personnalités. En se confrontant aux poèmes de son père, irakien en exil qui a fui les persécutions, Leïla s’immerge dans ses racines comme dans l’histoire de son pays, un pays qui l’obsède et dont les fantômes hantent ses rêves.
La ligne de vie de Leïla est sinueuse, son chemin accidenté et plein de détours. On en remonte le fil, partant du présent, moment de flottement où son identité diffractée cherche à s’unifier, pour cheminer dans le passé, explorer les errances d’un pays à l’autre, s’arrêter sur l’accident qui la cloue un an durant sur un lit d’hôpital, avant de révéler le séjour irakien survenu 20 ans plus tôt, expérience traumatique qui changera sa vie à jamais. Une vie détruite, une survie même qui occasionne une renaissance qui prend le temps de trouver son rythme et ses bases.
Petit à petit, le film s’impose comme le journal d’une guérison, la mise en mots et en images d’un stress post-traumatique qui a brouillé les frontières de la personnalité, poussant la cinéaste à se construire un personnage qui endosse sa vie et ses habits, avant d’être prête à affronter ce passé constitutif.
C’est à un véritable voyage dans le temps que se livrent Leïla, son père, sa mère aussi, dans la maison familiale du Sud de la France, sur les traces des souvenirs enfouis, des blessures mal cicatrisées. Pour comprendre ces flux existentiels qui irriguent le film, la poésie s’impose comme l’outil le plus précieux. La poésie, et le chant.
Les mots de Leïla d’abord qui la raconte, les mots de son père ensuite qui lui offrent un horizon d’attente, à la dimension programmatique. « Je suis une flamme, je suis une révolution, je suis libre », chante-t-elle en arabe. Le film adopte une forme libérée des dogmes, sorte d’improvisation maîtrisée. La rencontre avec la langue de ses origines est pour la cinéaste une exploration du passé, et un passeport pour l’avenir. Un futur émancipé, où les peurs affrontées ne sont plus un obstacle. Le chant aussi est un guide pour le spectateur, plongé dans un tourbillon d’intimité familiale, témoin de la renaissance d’une fille et d’une femme qui panse ses plaies par l’image et le chant.