On a profité de notre passage sur le plateau de Space Boy pour rencontrer la productrice Annabella Nezri, qui enchaine les projets avec sa société Kwassa Films. Entre Losers Revolution, dont le tournage s’est achevé début juillet, une coproduction avec la Tunisie tout juste mise en boîte, Space Boy actuellement en tournage, et une série RTBF pour l’automne, c’est peu dire qu’elle ne chôme pas!
Où est en Kwassa Films aujourd’hui?
Kwassa Films existe depuis 5 ans, bientôt 6 ans, et on s’attelle à essayer de développer des projets atypiques, différents, mais accessibles à une large audience. C’est vrai que le développement prend un peu de temps, ce qui explique que nous nous sommes retrouvés cette année avec beaucoup de nos films prêts à être tournés!
On a donc tourné en juin/ juillet Losers Revolution, un film en conditions légères de Grégory Beghin et Thomas Ancora, avec un casting 100% belge, ce qui nous a offert un chouette début d’été, assez animé! On a également coproduit un projet qui s’appelle L’homme qui avait vendu sa peau de Kaouther Ben Hania, une réalisatrice franco-tunisienne, que nous avons tourné une semaine en Belgique, en Tunisie et en France, avec le comédien belge Koen de Bouw, et un caméo de Wim Delvoye.
Et là nous sommes en plein tournage de Space Boy, un film d’Olivier Pairoux co-écrit avec Eusebio Larrea, un film familial d’aventures avec des enfants en premier plan, où l’on retrouve aussi un super casting adultes dont Yannick Renier, Jean-Benoît Ugeux et Bérénice Baoo. Ce sont donc deux films majoritaires, et 100% belges!

Vous produisez des films particuliers, notamment des films de genre, qu’on a peu l’habitude de voir en Belgique francophone?
Effectivement dans nos choix, on essaye d’avoir une sorte de cachet Kwassa Films. Jumbo, le premier long métrage de Zoé Wittock que nous avons tourné l’année dernière, c’est du réalisme fantastique, avec une histoire complètement folle, mais qui s’adresse quand même à un public large. Le film sortira en 2020, on l’attend avec impatience.
C’est vrai que quand j’ai créé Kwassa, je me suis demandé ce que j’avais envie de voir en tant que spectatrice, mais aussi ce qu’on avait du mal à trouver en Belgique. Il y a une patte belge très développée par d’autres producteurs, donc je voulais faire quelque chose d’un peu différent, avec un petit challenge, ou plutôt un gros challenge, essayer de réconcilier le public belge avec son cinéma.
On a l’impression parfois que certains films passent à la trappe, ne rencontrent pas leur public. L’idée était de faire un peu comme les Flamands, qui n’hésitent pas à faire du genre. C’est une façon de se démarquer, mais aussi de rencontrer nos envies de production… et de cinéphiles!

Finalement, faire du cinéma populaire sur une terre de cinéma d’auteur, c’est assez audacieux?
Oui, peut-être! (rires) Après, l’avis des professionnels ne sera peut-être pas le même que l’avis du public, mais au final, on fonctionne surtout au coup de coeur. Sur le papier, on dira que Jumbo est plutôt pointu, alors que Losers Revolution est beaucoup plus mainstream. C’est une comédie un peu potache à l’américaine, on espère toucher un public différent avec. C’est peut-être audacieux, mais c’est ce qui me plait.
Je pense qu’il y a vraiment un vivier de talents en Belgique, de nombreux jeunes cinéastes qui sortent des écoles, et ne trouvent pas forcément de place dans la ligne éditoriale des producteurs plus établis, et j’aime bien aller à leur rencontre.
Space Boy est un film familial, là aussi un genre rare. Vous avez aussi coproduit Binti d’ailleurs récemment… Qu’est-ce que cela représente pour Kwassa d’accompagner ce type de films?
Moi les films familiaux, les comédies d’aventures pour enfants, ce sont des films qui ont bercé ma jeunesse. J’ai moi-même des enfants, je me suis intéressée aux films que je pouvais leur faire découvrir à mes enfants, et j’ai eu envie d’en faire moi-même!
Space Boy est un film pour enfants, mais avec plusieurs couches, une grande profondeur, et notamment cette époque des 80s qui fait appel à la nostalgie des parents, qui fait appel aussi aux rêves qu’on peut avoir avant de devenir parents, cela a fait écho en moi.

Quels sont les plus grands enjeux de production sur ce film, un film familial et historique, produit à 100% en Belgique?
C’est un film ambitieux avec un budget 100% belge, donc pas hollywoodien. On a beaucoup de contraintes, mais tout a été préparé très en amont, on a fait beaucoup de répétitions avec les enfants, Olivier a fait un storyboard très détaillé. L’énergie mise en place par l’équipe, qui s’est démenée pour mener à bien ce projet auquel elle croit, n’y est pas pour rien, tout le monde est très créatif. C’est un gros challenge, un film d’époque avec des enfants, mais on y arrive grâce à l’énergie de chacun.
Vous avez récemment accepté la vice-présidence de l’UPFF (Union des Producteurs de Films Francophones)?
C’était important pour moi de représenter une frange de producteurs moins représentés, des jeunes boites qui font du long métrage mais aussi du documentaire, de l’animation, de la série. De développer de nouveaux programmes d’accompagnement. Et puis c’est toujours bien aussi de représenter les femmes productrices, de mettre en avant des choses moins vues.

Justement, vous abordez beaucoup de genres et de formats cinématographiques, c’est important pour Kwassa?
On a la chance en Belgique de pouvoir développer plusieurs formats et genres avec la même structure de production. Le documentaire, c’est quelque chose qui me passionne depuis longtemps, et que je n’ai pas envie d’arrêter, l’animation, ça nourrit tous nos autres projets. On fonctionne au coup de coeur, à la passion, et dans ce petit pays, les chaînes de financements restent relativement accessibles. On n’est pas dans des stratosphères inaccessibles comme en France, on l’on doit souvent rester dans des cases.
Parfois ça crée des osmoses, par exemple là on développe le premier long métrage de fiction d’Eve Duchemin, Magritte du Meilleur documentaire pour En bataille, portrait d’une directrice de prison. On crée des séquences d’animation dans des documentaires, on n’hésite pas à mixer les formats.
Quels sont les projets de Kwassa?
On termine Space Boy, la post-production de Losers Revolution, et ainsi que d’un film de Nora Martirosyan, Jardin Noir, ciel bleu. Et là on prépare, histoire de finir l’été en beauté, la série Unseen, écrite par Marie Enthoven, Bruno Roche & Nicolas Peufaillit, et réalisée par Geoffrey Enthoven, qu’on tourne à partir de novembre. 64 jours de tournage, encore une production 100% belge. C’est un peu l’année charnière pour nous en somme!