Marie Gillain participe cette semaine au Jury International du 20ème Festival International du Court Métrage de Bruxelles, où elle est invitée avec ses camarades du jury à visionner pas moins de 58 films, autour desquels ils devront débattre, s’enthousiasmer, et finalement choisir d’honorés lauréats. L’occasion rêvée de rencontrer la comédienne belge, et parler avec elle de sa première expérience en tant que réalisatrice avec le court métrage Timing, qui prendra part à l’opération Talents Adami organisée à Cannes à la fin du mois.
Comment avez-vous abordé le genre particulier du court métrage?
C’est un genre que je ne connaissais pas particulièrement, et je me suis rendu compte en le faisant qu’un court métrage, c’est un film à part entière. En 15 minutes ou moins, on raconte vraiment une histoire « complète », avec des enjeux, des personnages. Cette concision nécessaire, c’est un exercice de style en soi. C’est un peu à l’opposé des séries, qui prennent le temps de développer une histoire; ici, on est dans un rapport inverse: comment raconter une histoire en aussi peu de temps? C’est un « petit » film, mais avec une énergie décuplée…
La réalisation, c’est une envie en germe depuis longtemps chez vous?
Cela fait un petit temps que cette idée me trottait dans la tête, du moins l’envie, le besoin d’écrire. J’avais écrit un premier court que j’avais rangé dans un tiroir car je ne ressentais aucune urgence à le faire à ce moment-là, puis un début de long, sans vraiment persévérer, des tentatives écartées. Je n’avais pas vraiment le temps de m’appesantir sur la question de toutes façons, j’enchaînais les projets, ça justifiait que je ne finalise pas les scénarios finalement. C’était donc latent, mais un coup de fil a changé ma vie, celui du producteur de chez Fulldawa qui m’a proposé de réaliser l’un des courts de Talents Cannes Adami. C’était comme si les planètes s’alignaient! Mon court métrage s’appelle Timing et… le timing était bon. Le producteur m’a donc demandé si j’avais déjà une idée. Je lui ai dit « Attends, je te rappelle! », et je suis retournée voir toutes les petites bricoles, les idées que j’avais notées dans un coin, et j’ai (re)trouvé mes deux personnages, je me suis mise à écrire, écrire, écrire. Je crois que j’ai dû écrire 30 versions, dont 20 définitives (rires)! J’apprends plein de choses, qui sont à la fois très nouvelles, et très familières. C’est ce qui m’a surpris. J’avais plus un rapport à l’écriture qu’à la mise en scène. A l’écriture, je n’avais pas encore visualisé les cadrages par exemple, j’étais vraiment focalisée sur l’histoire, les personnages, la direction d’acteurs. Mon chef op Manu Soyer d’ailleurs a été un partenaire vraiment incroyable, il m’a fait me rendre compte que ce n’est pas parce qu’on ne connait pas le nom d’un objectif ou d’une focale que l’on n’est pas capable d’avoir un ressenti très précis. Et tout ce que j’avais emmagasiné, observé sur les tournages est ressorti. Finalement quand on est acteur, on attend beaucoup, et je me suis aperçu que j’avais beaucoup appris sur les tournages.
Qu’est qui vous a le plus surprise, et qu’est-ce qui vous a le plus plu?
Après avoir passé 25 ans sur des plateaux de cinéma en tant que comédienne, où l’on est toujours dépendante du désir des autres, d’histoires qui ne sont pas les nôtres, des mots d’un autre, tout d’un coup, être celle qui décide, alors ça, c’est un kif énorme! C’est lié à l’ego surement, mais je crois que cela m’a surtout re-connectée avec mon impulsion de départ quand j’ai voulu faire ce métier. J’écrivais des pièces de théâtre, je montais des spectacles à l’école. En fait, j’avais en moi je pense cette envie de raconter des histoires, et d’être le capitaine. J’ai un peu mis ça de côté au fil de ma vie d’actrice, mais là, faire des choix, être au coeur de cette impulsion artistique, ça m’a énormément plu. D’autant qu’être au centre de ce processus artistique, c’est aussi être entourée par une équipe artistique incroyablement riche de talent, m’enrichir de ce que chaque personne sur le plateau pouvait apporter au film. J’ai redécouvert des postes que je connaissais autrement. Scripte par exemple, j’ai réalisé l’importance de ce partenariat fondamental. Et puis diriger les comédiens… J’avais un peu peur au début lors du premier casting. J’ai tellement vécu d’expériences traumatisantes en la matière! Quand on passe un casting, on n’est pas désiré à la base, il faut faire ses preuves. Je voulais préserver ces jeunes acteurs. Mais j’ai vite senti que notre relation allait être fluide, d’autant que je connaissais leur position. On ne parle pas à chaque comédien de la même manière, certains sont des Ferrari qui comprennent tout de suite ce qu’on veut leur dire, d’autres plus lents à démarrer, d’autres encore s’essoufflent plus vite. Et j’ai compris l’amour qu’un metteur en scène peut avoir pour ses comédiens. Du casting au montage image, on est constamment avec eux.
Quel est le sujet du film?
Ca s’appelle Timing, et le sujet, ce sont les acteurs justement, cette idée que nous les comédiens, nous dépendons toujours du rouleau compresseur du temps et du timing. En plus si possible d’avoir du talent, il faut tout le temps être au bon moment au bon endroit, rencontrer la bonne personne, on est dépendant de ce timing. On suit donc deux comédiens qui doivent passer des essais pour un casting.
Quels sont vos projets dans les prochains mois ?
Je termine l’étalonnage de Timing, qui sera donc montré à Cannes dans le cadre de l’opération Talents Adami, et je viens également de tourner à Bruxelles une série avec Sami Bouajila qui s’appelle L’Origine du Mal, une série de Pierre Aknine, qui va être diffusée à l’automne sur M6.